-
Extrait du site consacré à Edmond Brua : http://exode1962.fr/exode1962/en-savoir-plus/celebres/brua.html
Alger aux yeux de Chipette
C'est alors qu'il était jeune rédacteur à la Dépêche de Constantine, et souvent en reportage a Bône, que Brua a été fasciné par la splendeur des " histoires bônoises ", transmises d'une génération a l'autre, et par la verve de leurs protagonistes bien typés : Bagur et Salvator, amis et rivaux, aussi inséparables et éloquents qu'Achille et Patrocle, Roland et Olivier, le laitier Mikaleff, le ramasseur de chiens Galoufa et le curé maltais du quartier de la Colonne, dévot, mais ivrogne, le faux aveugle, le vrai bossu, le pétaradant sous-préfet et bien d'autres... Tous ces personnages, d'abord réels, puis mythiques, de la commedia dell'arte locale, ont connu une gloire dépassant les limites de " Bône la Coquette " (4) lorsqu'ils ont meublé les récits versifiés - en vieux français - des Fables bônoises (5) et quand le spirituel Bagur a pris la relais de Cagayous, son père spirituel.
Même les lecteurs les plus obstinément " francaouis ", les plus désespérément " patos"(6) peuvent gouter " bor blisir " (7) comme s'ils étaient kif-kif pareils à nous-zotres, dés(8), ces mets piquants car la glossaire qui enrichit opportunément les Fables bônoises leur fournit la traduction sécurisante des mots exotiques, aussi insolites qu'épicés, qui y sont employés.
Du coup, Brua, certain de ne pas errer, persévère. Diaboliquement.
Accommodant à une sauce a peu près identique (moins philippevillo-bônoise, plus algéro-oranaise, disent les connaisseurs) un chef-d'œuvre universellement connu dans nos lycées et collèges : il achève " la Parodie du Cid " tragi-comédie en 4 actes, en vers et en pataouète ". La pièce, dont une version partielle avait été montée, avant la guerre, à une kermesse des " Amis da l'Université ", est représentée, dans la capitale algérienne, pendant la guerre, précédée d'un Impromptu d'Alger qui en défend et illustre le propos.
L'auteur incarne - noblesse oblige - " Roro, c'est-à-dire Rodriguez, le fils à ce vieux-là qu'il se vend les merguez ". Robert Castel, superbe, campe Dodièze, ce père noble qui a reçu de son rival Gongormatz un soufflet (un vrai puisque la gifle ignominieuse lui est administrée par l'instrument attiseur du feu pour saucisses à la grillade), et qui appelle à la vengeance son ardent rejeton. Enfin, Hélène Miguet, élève du Conservatoire d'art dramatique, joue Chipette, fille de Gongormatz, hélas, puisqu'e1le est - situation cornélienne - amoureuse de Roro. L'infortunée passera cependant du désespoir au bonheur. En effet, M. Fernand, député de la circonscription alors en mal de réélection, finira par triompher, et par arranger tout et le reste, dans un geste royal, parce que Roro, en un combat douteux, mais épique, a dompté les morts, arbitres des scrutins.
Cette transfiguration pataouète des modèles imités - Rodrigue et Chimene, don Diégue et don Gormas - et cette transformation des Maures du Cid original en morts électoraux sont accueillies dans l'enthousiasme. Tout Alger, pour Roro, a les yeux de Chipette. Et la renommée du Roméo et de la Juliette de Bab-el-Oued passera même la Méditerranée, puisque la Parodie du " Cid " elle aussi publiée en livre peu après sa création, a été, d'autre part, applaudie à Paris, en 1968, et qu'un film, Rodriguez au pays des merguez, est sorti en 1980.Peuple harmonieux et barbare
Si la " tirade du nez " du Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand est passée à la postérité gasconne, la postérité pied-noir n'en finira jamais de " prendre ventre de rire " avec la " tirade du bras " de Brua, l'épisode ou Dodieze, passant du passé au présent, et d'un geste virilement provocateur à un geste accablé, avoue son impuissance à affronter Gongormatz :
Ce bras qu'il a tant fait le salut militaire,
Ce bras qu'il a levé les sacs de pons de terre (9),
Ce bras qu'il a gagné à tant de baroufas (10)
Ce bras, ce bras d'honneur oila qu'il fait : tchouffa (11) !
(4) Si coquette que " le cimetière da Bône envie de mourir il te donne ".
(5) Publiées aux Editions Carbonel, Alger, 1938, avec des illustrations adéquates et pétillantes du dessinateur Brouty.
(6) En espagnol : canards; en pataouète : Français da France.
(7) Avec plaisir.
(8) Dis !
(9) Pommes de terre.
(10) Batailles spectaculaires.
(11) Désastre, débandade, fiasco.
2 commentaires -
1. La parodie :
- Sketch des Inconnus imaginant une audition du Cid
- chanson burlesque du fantaisiste Georgius
-
Parlé :}
Ah ah, si Corneille entendait ça !
Ah, la drôle d'histoire que je vais chanter là !
Au petit village de Santa Madonna
Habitait Rodrigue
Un brave et beau zigue
Qui avait du poil sur l'estomac
Son père qui était un roublard, et comment !
Qu'aimait pas s' biler, qu'était un peu fainéant
Avait la manière
De tout lui faire faire
En le prenant par les sentiments
- Rodrigue, as-tu du cœur ?
- Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
- Ah bon ? Alors va me chercher un paquet d' cigarettes
Balaye le garage, gonfle ma bicyclette
Rodrigue, as-tu du cœur ?
- Je t'en supplie, papa, ne doute pas d' mon honneur !
- Bravo, mon cher enfant, j'aime ta dignité
Alors, cire mes chaussures et fais-les bien briller
Olé !
À la grande ville, tous les dimanches matin
Ils s'en vont tous deux pour se distraire un brin
C'est le beau Rodrigue
Qui est l' fils prodigue
Le père avare n'a pas un rotin
Pour se taper la cloche ils entrent bientôt
À l'Hostellerie du Canard aux Pruneaux
Le papa commande
Une grosse limande
Et s'écrie devant le plat bien chaud
- Rodrigue, as-tu du cœur ?
- Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
- Très bien. Alors coupe le poisson qui est dans mon assiette
Donne-moi les filets et mange les arêtes
Rodrigue, as-tu du cœur ?
- Papa, je t'en supplie, ne doute pas d' mon honneur !
- Bravo, mon cher enfant, t'es noble comme un lion
Alors, appelle la bonne et règle l'addition
C'est bon !
Le père adorait les courses de taureaux
Il entre aux arènes avec son grand Roro
Le combat fait rage
C'est un vrai carnage
Jamais on n' vit plus méchant taureau
Il a déjà tué quatorze picadors
Six banderillos et le toréador
Une panique immense
Secoue l'assistance
Le papa s' lève et remet ça encore
- Rodrigue, as-tu du cœur ?
- Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
- Parfait ! Alors, cours au taureau qui prend cet air bravache
Et dis-lui de ma part que c'est une vieille vache
Rodrigue, as-tu du cœur ?
- Oh oui, papa, j'en ai, j' vais te l' prouver sur l'heure
Car je viens de comprendre que tu étais cinglé
Je vais t' faire interner
À l'asile d'aliénés
{Parlé :}
Allez, à la douche !
- Le Cid Campeador de Georges Fourrest
Le palais de Gormaz, comte et gobernador,
Est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre
L'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé le Cid Campeador.
Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador
Et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
Regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or..
Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
Sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
Le héros meurtrier à pas lents se promène :
" Dieu ! " soupire à part soi la plaintive Chimène,
" Qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! "2. Le Pastiche :
Corneille (1606-1684) pastiché par Racine, Boileau et Furetière,Chapelain décoiffé (1664)
« O rage ! ô désespoir ! ô Perruque m'amie !
« N'as-tu donc tant duré que pour cette infamie ?
« N'as-tu trompé l'espoir de tant de perruquiers
« Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
« Nouvelle pension fatale à ma calotte !
« Précipice élevé qui te jette en la crotte !
« Crüel ressouvenir de tes honneurs passez,
« Services de vingt-ans en un jour effacez !
« Faut-il de ton vieux poil voir triompher la Serre ?
« Ou te mettre crottée, ou te laisser à terre ?
« La Serre, sois d'un roi maintenant regalé,
« Ce haut rang n'admet pas un Poëte pelé ;
« Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne,
« Malgré mes masles vers m'en a sçeu rendre indigne.
« Et toi de mes travaux glorieux instrument,
« Mais d'un esprit de glace inutile ornement,
« Plume jadis vantée, et qui dans cette offense
« M'as servi de parade et non pas de défense,
« Va, quitte désormais le dernier des humains,
« Passe pour me vanger en de meilleures mains.
« Si Cassaigne a du cœur, et s'il est mon ouvrage,
« Voici l'occasion de montrer son courage ;
« Son esprit est le mien, et le mortel affront
« Qui tombe sur mon chef rejaillit sur son front. »
3. Adaptation en images :
- planches de l'adaptation du Cid en bande dessinée par Oliv' et Jean-Louis Mennetrier
Cliquez sur l'image afin de l'ouvrir dans son format original et faciliter la lecture des bulles.
- Extraits du film d'Anthony Mann avec Charlton Heston et Sophia Loren
- Extrait de la série d'animé hispano-japonaise :Rody le petit Cid diffusée en 1982 par TF1 et en 1988 sur M6
- Captation de la mise en scène de Thomas le Douarec, rendue flamboyante par le jeu des danses et de la musique flamenco.
>
votre commentaire -
L'intrigue :
Dans l'Espagne du XIe siècle, à Séville, Rodrigue et Chimène, deux jeunes gens de sang noble et appartenant à de grandes familles proches du roi, sont épris l'un de l'autre. Ils doivent s'unir mais une question d'honneur, haut principe inhérent à leur caste, vient bouleverser leurs projets. Don Gomès, père de Chimène, indigné et jaloux de ne pas avoir été choisi comme précepteur du jeune prince, gifle son rival, le vieux Don Diègue, lors d'une discussion très animée. Celui-ci, humilié mais trop âgé pour se battre en duel, demande à son fils Rodrigue de laver l'offense. Rodrigue est alors placé face à un dilemme : venger l'honneur de son père et, en tuant Don Gomès, perdre sa bien aimée. Ou refuser le duel mais abandonner son père outragé, perdre son estime, sa propre estime...et celle de Chimène. L'Infante, amoureuse de Rodrigue en secret, espère que ce litige éloignera les deux amants l'un de l'autre.
Rodrigue choisit l'honneur. Ayant vaincu son adversaire, il tente néanmoins de revoir Chimène pour la supplier de le comprendre et de lui pardonner. Il lui offre sa vie. Chimène réclame vengeance auprès du roi, repousse les avances de Don Sanche mais laisse finalement entendre à Rodrigue qu'elle "ne le hait point".
Mais les Maures attaquent la ville. Rodrigue repousse l'ennemi et sauve le royaume d'une invasion. Vainqueur, il devient un héros célébré dans tout le pays. Son combat victorieux lui confère, de la part des maures qui reconnaissent sa grande valeur, le surnom de "El Cid".
Cet immense service rendu à la couronne, cette renommée glorieuse inciteront-ils Chimène à plus de clémence? La jeune fille défaille quand le roi lui fait croire que le Cid est mort suite à ses blessures. Pourtant, quand elle apprend la vérité, elle réclame à nouveau justice. Le roi de Castille accepte alors que Don Sanche soit son "champion" et qu'il se batte en duel avec Rodrigue.
Qui triomphera?
votre commentaire -
Un héros, deux auteurs.
L'auteur :
- Rédigez sa bio-bibliographie : Nom, date de naissance et de décès- Oeuvre principales.
Les Sources :
- Que signifie le titre :"Le Cid"?
- Qui est Rodrigo Diaz de Vivar? (Nom francisé : Rodrigue de Bivar). Dans quelle mesure est-il à l'origine du personnage de Corneille? Distinguez l'histoire de la légende.
- Quel auteur espagnol a , le premier, publié en 1618 une pièce intitulée Las Mocedades del Cid (Les enfances du Cid),pièce qui a inspiré Corneille?
Le Contexte :
- Quels sont les deux mouvements littéraires auxquels est associé Corneille?
- Donnez, en plus de leur nom, leurs principales caractéristiques.
- Que signifie le mot "tragi-comédie", genre attribué par Corneille à sa pièce en 1637?
- Cherchez des informations sur ce qu'on a appelé "La Querelle du Cid". Sur quoi porte-t-elle et qui en sont les protagonistes?
votre commentaire -
Un livre historique à suspense ...
Quand Michel de Montaigne était maire de Bordeaux (édifiant!)
Bordeaux, hiver 1582 : Philibert, orphelin et apprenti cordonnier se voit confier une commande exceptionnelle : fabriquer une paire de bottes pour un important personnage de la ville. Mais il apprend par un ancien camarade d'orphelinat que les enfants placés en nourrice cet hiver ne mangent pas à leur faim. En compagnie d'un troisième garçon, apprenti imprimeur, ils vont enquêter. Lorsque Philibert découvre que le destinataire des bottes qu'il fabrique n'est autre que Michel de Montaigne, maire de Bordeaux, il va saisir l'occasion de rencontrer le gentilhomme pour lui exposer le sort des enfants trouvés. La suite nous est connue par l'Histoire. Montaigne assigne les jésuites devant la juridiction de la ville. Basé sur une histoire vraie, ce roman restitue l'animation du port de Bordeaux et le lacis des rues anciennes, où l'on croise la figure d'un homme résolument ouvert et tolérant malgré les troubles de son époque : Montaigne. L'écrivain est ici portraituré dans un rôle méconnu, l'exercice des responsabilités publiques, dans lesquelles il apparut en défenseur des enfants.
Mariane Fiori, Les Bottes du Gentilhomme, Edition Milathéa.
http://www.milathea.fr/
1 commentaire -
La Maison au toit rouge
Ours d'argent au festival de Berlin
Japon, 1936. Taki quitte sa campagne natale pour travailler comme bonne dans une petite maison bourgeoise en banlieue de Tokyo. C’est le paisible foyer de Tokiko, son mari Masaki et leur fils de 6 ans. Mais quand Ikatura, le nouveau collègue de Masaki, rentre dans leurs vies, Tokiko est irrésistiblement attirée par ce jeune homme délicat, et Taki devient le témoin de leur amour clandestin. Alors que la guerre éclate, elle devra prendre une terrible décision. Soixante ans plus tard, à la mort de Taki, son petit neveu Takeshi trouve dans ses affaires une enveloppe scellée qui contient une lettre. Il découvre alors la vérité sur ce secret si longtemps gardé.
Dans le premier film de Yoji Yamada, L'inconnu du premier étage, on pouvait déjà apercevoir la maison au toit du rouge du titre du film. En effet, le héros du film construisait en lego sa maison idéale, avec un toit rouge triangulaire. Cette maison a été construite sur le modèle de la maison d'enfance du réalisateur, dessinée à l'époque par son père.
Une période peu racontée
L'intrigue du film se situe juste avant la Seconde Guerre mondiale, période peu exploitée par le cinéma. Yoji Yamadaexplique : "La Maison au toit rouge est construit autour du secret d’une histoire d’amour, mais au-delà de ça, je voulais décrire le mode de vie d’un foyer bourgeois pendant une période débutant avant la seconde guerre mondiale et s’achevant avec la défaite du Japon, une époque qui a rarement été montrée au cinéma et qui semble résonner avec la direction que le pays est en train de prendre.’’
Des petits riens...
A travers ce film, Yoji Yamada a souhaité mettre en avant les petits bonheurs de la vie qui sont si importants à ses yeux. Il explique : "Ce film montre de manière satirique, à travers la vie d’un jeune couple, comment le toit rouge de cette petite maison abrite les menus bonheurs de cette gentille famille."
D'Hollywood au Japon
A l'époque où Yoji Yamada était étudiant (dans les années 1950), de nombreux films hollywoodiens traitaient de la quête des "petits bonheurs", surtout présente dans la petite bourgeoisie. Si à l'époque, le réalisateur aspirait au "grand bonheur" (comme il le dit, "la paix pour toute une société"), il a pris conscience que cette quête, évoquée par exemple en 1946 dans La Vie est belle de Frank Capra, était un moteur essentiel de la vie et consacre aujourd'hui son film La Maison au toit rouge à ce sujet.
votre commentaire