•  Combien de francophones y a-t-il dans le monde ? Où sont-ils et quel usage font-ils de la langue française ? Où en est l’apprentissage de la langue française en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie ? Dans quels pays le français est-il une langue d’enseignement ? Quel avenir pour la langue française en Afrique ? Qu’entend-on par « francophonie économique » ? Quelle place occupe le français sur Internet ?

     


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  • Décryptons les éléments de langage

    Que se cache-t-il derrière les mots employés par la presse et les politiciens ?

    Ou " de l'importance de bien connaître la signification des mots ..."

    Un article rédigé par les correcteurs du journal Le Monde, sur leur blog  Langue sauce piquante

     

    décryptons les éléments de langage

    Eh oui, "décryptons" : ce verbe est très à la mode et foule les plates-bandes d'expliquer (et son double précieux expliciter)analyser, etc., mais il nous semble qu'il est ici tout à fait à sa place : que se cache-t-il derrière des mots souvent employés par la presse et la classe politicienne, en apparence banals, mais en réalité véhiculant des idées quelque peu contrebandières ? Par exemple, si vous êtes peu au fait de la politique internationale et des conflits armés en cours, sachez que certaines aviations bombardent et que d'autres frappent. Pourquoi cette dichotomie ?

    La frappe est un mot destiné à humaniser le bombardement, à le rendre plus acceptable. Donc à chaque fois qu'il s'agit d'un bon bombardement, c'est-à-dire, disons-le sans détour, effectué par l'armée française ou un de ses alliés, on emploiefrapper ou frappe. C'est ainsi que l'aviation saoudienne, qui intervient au Yémen en ce moment, est notre alliée, puisqu'elle frappe. Par contre, tout ce qui bombarde est forcément notre ennemi.
    Merci à qui pour ce décryptage ? en deux mots vous avez tout compris des arcanes de la politique !
    Autre exemple : quand une armée pénètre en pays étranger, vous avez tendance, par paresse intellectuelle, à penser invasion. Non, il peut s'agir d'intervention pour de nobles principes. Ainsi, l'armée soviétique a envahi l'Afghanistan en 1979, mais, plus tard, l'armée américaine y est intervenue. Vous nous direz que le résultat fut le même. Nous vous répondrons que vous avez encore du mal à séparer le bon grain de l'ivraie.

     

    Troisième exemple, de politique intérieure celui-là. Quand vous entendez ou lisez réforme, modernisation, absence de tabous, mesures courageuses, vous vous dites : enfin, on va de l'avant. Et vous avez raison : tous ces mots positifs employés de façon énantiosémique sont une sorte de pommade pour faire passer les mesures contre la plèbe, laquelle a trop pris goût au confort et qu'il s'agit de remettre à sa place. 

    http://correcteurs.blog.lemonde.fr/2015/04/08/decryptons-les-elements-de-langage/

     


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  •  Le petit musée des horaires

                                     Saignées dans l’enseignement du français

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      http://www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/79-le-petit-musee-des-horaires

       Les majorités de droite et de gauche se suivent et se ressemblent, s’évertuant par exemple à instaurer depuis dix ans en France un « socle de compétences et de connaissances » pour définir « ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire »1. Grave et noble préoccupation qui laisse amer quand on observe, derrière les belles intentions, la réalité des actes depuis plusieurs décennies.

    Un constat saisissant : l'exemple de la lecture

    Quiconque enseigne peut s’en rendre compte : les difficultés des élèves sont croissantes en français, à commencer par la lecture elle-même. Pour s'en convaincre autrement qu'au doigt mouillé, quelques statistiques officielles, même si certains continuent de penser que « Le niveau monte » :

    - 12% des élèves entrant en 6e ne savent pas bien associer les lettres et les sons2.
    40% des élèves entrant en 6e, parce qu’ils ne sont pas assez entraînés à la lecture, ne peuvent utiliser le contenu de manuels scolaires. 15% connaissent même des difficultés de lecture sévères ou très sévères3.
    Le nombre d’élèves de primaire en très grande difficulté en lecture a doublé en vingt ans4. Même l'historien de l'école Antoine Prost, pourtant réformiste engagé, en convient : « Le niveau baisse : cette fois-ci c'est vrai ! »5
    - 7% des élèves de 15-16 ans n’ont pas le niveau primaire en compréhension de l’écrit à l’issue de la scolarité obligatoire6. Mais les difficultés de compréhension touchent à des degrés divers presque tous les élèves.

    Le constat s’étend malheureusement à toutes les compétences de français : expression orale mal assurée, culture littéraire en recul, vocabulaire appauvri, écrit avec orthographe et syntaxe défaillantes en fin de scolarité obligatoire. Autant de constats qui sont particulièrement criants dans les collèges les plus défavorisés, où la graphie même des élèves de quinze ans ou plus est parfois alarmante. Mais le constat touche également - dans des proportions moindres - les établissements les plus favorisés.

    Les réformistes avancent de nombreuses raisons à l’échec scolaire : pédagogies traditionnelles inadaptées, difficultés de la langue, élitisme du collège bourgeois, notation stigmatisante, rupture brutale entre l’école et le collège… Autant de raisons qui n'en étaient pas jusqu'ici ou qui n'expliquent en rien les difficultés de lecture croissantes à la sortie du primaire, véritable pierre d'achoppement de l'ensemble de la scolarité.

    Une partie de la réponse est pourtant là, sous nos yeux7.

     

    L'évolution des horaires hebdomadaires de français

    Dans le primaire l’horaire hebdomadaire de français a été divisé par deux en moins d’un siècle. Un élève sortant du CM2 aujourd’hui a bénéficié de dix heures de français par semaine (36h) de moins qu’un élève sortant de CE2 en 1926 (46,5h) !

    Horaires hebdomadaires de français dans le primaire depuis un siècle

     

     

     Cette saignée s’explique principalement par la multiplication des missions et des enseignements nouveaux assignés à l'école, dont l’exemple le plus récent (et le plus sidérant) est l’enseignement de l’anglais dès le CP. Pour rendre plus acceptable cette saignée, les programmes les plus récents précisent que treize heures de français « réparties dans tous les champs disciplinaires » s’ajoutent aux heures de français proprement dites.

    Mais cette diminution a également affecté le collège.

    Il faut bien sûr circonscrire notre réflexion au collège unique : quand celui-ci a été mis en place en 1975, il s’agissait de démocratiser enfin le secondaire. Or il est frappant de constater que cette démocratisation s’est immédiatement accompagnée d’une nouvelle baisse des horaires de français en primaire… alors même que les nouveaux publics du collège étaient – par définition – beaucoup plus hétérogènes, notamment s'agissant de la maîtrise de la langue !

    Horaires hebdomadaires de français dans la scolarité obligatoire

    Cette nouvelle saignée au collège a été facilitée, dans les deux dernières décennies, par la mise en place de fourchettes horaires fixant des horaires plafond et des horaires plancher : ces derniers sont devenus la norme.

    Juste avant le collège unique les élèves bénéficiaient de 2808 heures de français du CP jusqu’au collège. Aujourd’hui ils ne bénéficient plus que de 1908 heures. Au total ce sont 900 heures, soit plus du tiers, qui sont perdues pour les élèves. Un élève sortant du collège avant la mise en place du collège unique bénéficiait de presque 50% d’heures de français de plus qu’aujourd’hui.

    Pour le dire autrement un élève sortant du collège aujourd’hui a bénéficié dans sa scolarité de moins d’heures de français qu’un élève sortant de l'école primaire avant la mise en place du collège unique (1908h contre 2016h). Jamais, dans l'histoire de la République, les élèves n'ont eu si peu d'enseignement de français et on s'étonne de la faiblesse de leur niveau !

     

    Une conjonction de facteurs aggravants

    Les horaires ont été affectés mais également les modalités d’enseignement : ainsi, en 1972, un élève de sixième bénéficiait de six heures de français dont la moitié en demi-groupe. Un professeur certifié de lettres s’occupait alors de deux classes de sixième : aujourd’hui, alors que le mot d’ordre est à l’enseignement « personnalisé » et « différencié », le même professeur doit prendre en charge quatre classes de français avec seulement 4h30 par classe et sans demi-groupe. Mais certains continuent de réclamer la bivalence des enseignants pour réduire le nombre d'intervenants au collège.

    Pour des raisons essentiellement budgétaires le taux de redoublement au collège, qui permettait aux élèves en difficultés d’asseoir leurs acquis, a été divisé par deux, trois ou quatre, suivant le niveau, en un quart de siècle. De même le taux de scolarisation à deux ans a été divisé par trois dans la dernière décennie. Les taux d'encadrement (en maternelle deux fois plus d'élèves par enseignant et en primaire un tiers de plus en France qu'en Finlande par exemple) empêchent également de porter une véritable attention aux élèves les plus en difficulté.

    A ces facteurs s’ajoute un facteur aggravant : l’interdiction, sous la pression de certaine fédération de parents d'élèves progressiste, des devoirs écrits à la maison en primaire, lesquels constituaient pourtant pour les élèves autant d’occasions de systématiser les apprentissages. La prolifération des écrans dans cette dernière décennie n'a fait qu’ajouter à la déshérence de la lecture.

    Enfin les nouvelles pédagogies, promues dans les IUFM, ont porté le dernier coup au caractère structuré de ces apprentissages et aux savoir-faire qui les accompagnaient : méthodes hasardeuses d’apprentissage de la lecture en primaire, valorisation de l'oral et mise à l'écrit moins systématique et moins exigeante, nouvelle observation réfléchie de la langue, décloisonnement, séquence pédagogique au collège, dont la grammaire, le vocabulaire et la langue en général sont devenus les parents pauvres, enseignement par compétences etc. Pour couronner le tout, on nous propose aujourd'hui de supprimer les notes !


    « Les savoirs ont changé »

    Les élèves ne savent pas lire ou écrire mais ils ont d'autres compétences, soutiennent sans ciller les adeptes du déni.

    Et, se pressant au chevet de l'école, nos Diafoirus non pas de déplorer ces saignées successives mais d'en proposer de nouvelles : il est ainsi question d'ajouter l'apprentissage du code informatique dans le socle commun et de l'enseigner dès le primaire8. Maryline Baumard, du « Monde », l'a dit :

    Plutôt que de faire de la grammaire, on peut faire du codage : on arrivera peut-être aux mêmes connexions de neurones, j'en sais rien.9

    D'autres vantent toutes sortes de potions magiques, dont les derniers avatars sont la réforme des rythmes scolaires ou l'école numérique. On se félicite ainsi - parce que c'est moderne - de mettre chaque semaine les élèves les plus en difficulté des collèges les plus défavorisés face à des écrans, sur le site du CNED.

    D'autres accusent les programmes, les professeurs ou la langue elle-même, norme arbitraire (pourtant simplifiée à cet effet en 1990) qu'on voudrait imposer à des élèves s'exprimant dans un «français vernaculaire » qui vaut bien le « français académique ». Quand, en 2007, une étude a démontré que « les élèves de cinquième de 2005 font le même nombre de fautes que les élèves de CM2 il y a vingt ans », Jean-Pierre Jaffré, linguiste et chercheur au CNRS, en relativisait alors la portée en ces termes :

    Plus que d'un déclin orthographique, finalement très relatif, nous avons plutôt affaire à une mutation orthographique qui retrouve les vertus de la variation, sinon dans un même texte, comme ce fut le cas jadis, du moins dans des textes dont le but et le statut social sont distincts. [...] Plutôt que de vouloir apprendre d'emblée toute l'orthographe à tout le monde – ce qui parait bien utopique –, ne vaudrait-il pas mieux s'en tenir à des compétences de base en offrant des options formatives aux citoyens adultes qui en éprouveraient le besoin ?10

    De même la présidente de la très progressiste « Association française des professeurs de français », déplorant « des programmes tournés vers une connaissance livresque de la littérature » (sic), demandait ainsi récemment de réviser les ambitions de l'école en repensant « les objectifs et le programme en fonction du volume horaire » et relativisait en ces termes l'importance de la « maîtrise de la langue » :

    Le mot est à changer car il laisse penser qu'à un moment donné l'élève doit l'avoir maitrisé. Or l'apprentissage de la langue est quelque chose de continu. Derrière il y a l'idée d'un idéal inatteignable. On préférerait que soit définie une compétence linguistique orale ou écrite, en compréhension, expression.11

    Curieux progressisme qui renonce à donner l'instruction à ceux qui en ont le plus besoin.

    Non, on le voit : on n'a guère donné les moyens de réussir au collège unique. Sa réussite était en quelque sorte compromise dès sa naissance et les saignées successives n'ont fait qu'aggraver son état jusque aujourd'hui. On le sait pourtant : tous les enseignements puisent dans la maîtrise du français. Lorsque celle-ci devient à ce point fragile, comment espérer construire sur autre chose que sur du sable ?

    Parce que rien n'est irréversible, il ne nous reste plus qu'à résister et à faire entendre la petite voix de la raison dans l'étourdissante cacophonie idéologique qui est le propre de notre époque.

     

    A Lucienne, ma grand-mère, petite auvergnate d'autrefois, confiante dans l'école républicaine

     

    @loysbonod

     


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