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    Présentation :

    Ecrite en 1725, L'Ile des esclaves est la première pièce de Marivaux qui ne soit pas centrée sur le thème de l'amour. Il écrira deux autres pièces utopiques, L'Ile de la Raison, en 1727 et La Colonie en 1750.

    Ces trois comédies soulèvent des questions sociales, politiques et morales, avec une certaine audace, mais sans remettre en cause l'ordre hiérarchique de la société de son temps ni le régime monarchique. On peut dire que Marivaux est un jalon qui relie la comédie classique du grand siècle à la comédie révolutionnaire de Beaumarchais.

    I- Eléments d'une critique sociale :

    Sans prôner une société totalement égalitaire, Marivaux s'interroge sur les inégalités et les abus provoqués par celles-ci.  Le renversement de situation qu'il met en scène dans L'Île des Esclaves tend à prouver que le pouvoir détenu par les nobles est arbitraire et ne repose sur aucune loi naturelle. L'inégalité n'est donc pas une fatalité. Cette conception ébranle les fondements d'un ordre social où certains humains sont soumis à d'autres plus puissants. Les maîtres ne doivent pas leur statut à leur force, leur intelligence ou à leurs qualités : leurs privilèges dépendent du hasard de leur naissance. Les serviteurs, parallèlement, doivent leur place dans la société à une chance inégale : le sort ne les a pas favorisés. Ils n'en demeurent pas moins des êtres humains comme les autres. 

    Par conséquent, Marivaux dénonce explicitement la servitude et le comportement brutal, hypocrite et condescendant des maîtres. Le dramaturge donne la parole aux plus faibles : chaque individu a droit à une existence décente.

    Le contexte antique le protège de la censure. Par ailleurs, en attribuant aux domestiques le nom d'esclaves, il accentue la force de la dénonciation.

     

    II- Les Principes d'une réforme morale :

    Si  les pièces de Marivaux ne sont pas subversives et ne remettent pas en cause l'ordre établi, elles aspirent à une réforme des comportements et des coeurs. 

    Les personnages ne sont pas caricaturés, les valets sont aussi imparfaits que leurs maîtres. Cette perspective permet un éveil des consciences : chaque être est à la fois bon et mauvais, vaniteux et sincère, fourbe et loyal. Il importe moins de changer la société que le coeur des hommes : il faut susciter le respect mutuel, assurer la paix sociale par la générosité et la vertu. Il s'agit davantage d'une révolution morale que politique.

    La visée principale de la pièce est de défendre une attitude plus humaine. Le dénouement de la pièce est significatif : chacun réintègre la place qu'il occupait dans la hiérarchie sociale. Cependant, les personnages ont changé : Iphicrate et Euphrosine ont pris conscience de l'aliénation qu'ils faisaient subir à leurs valets et ne se comportent plus en esclavagistes.

     

    III- Une mise en scène de la Comédie Humaine :

    Cette réforme des coeurs et des esprits n'est possible que si les êtres acceptent d'enlever le masque qu'ils arborent en société.

    La plupart des pièces de Marivaux mettent en scène des personnages qui se cachent sous des apparences trompeuses.  Tous avancent masqués et ne sont pas ce qu'ils prétendent être : les uns se déguisent, les autres dissimulent leur identité ou mentent allégrement. 

    Cette comédie des apparences n'est pas gratuite : elle souligne la fausseté de la vie sociale et de certains comportements.

    Comme Calderon, Corneille ou Shakespeare, Marivaux voit dans le monde un vaste théâtre. Les hommes sont des acteurs, et chacun d'eux y est souvent dupe des autres et de lui-même.

    Dans son essai Le Cabinet du Philosophe, Marivaux distingue "les hommes faux" de ceux qu'il nomme "les hommes vrais". A l'image de la coquette dont Cléanthis brosse le portrait, les premiers avancent camouflés et ne dévoilent jamais leur âme. Les seconds vivent dans un monde différent du nôtre, "ni moins méchants, ni moins intéressés, ni moins fous"; mais ils acceptent de dévoiler "leur âme à découvert".  Tel Arlequin à la fin de l'épreuve, ils sont authentiques et sincères.

    En conclusion, nous pouvons dire que L'Île des Esclaves ne propose pas un nouveau modèle politique. Marivaux montre simplement, en moraliste, qu'on ne peut connaitre ses semblables sans "percer au travers du masque dont ils se couvrent".

     

    Qu'avez-vous retenu de votre lecture?

    1. Expliquez le titre
    2. Présentez les cinq personnages suivants : Iphicrate, Arlequin, Euphrosine, Cléanthis et Trivelin.
    3. Comment maîtres et esclaves sont-ils parvenus sur l'île?
    4. Quelle est la fonction de Trivelin? Quel échange impose-t-il à Iphicrate et Euphrosine? Dans quel but?
    5. Quel comportement Iphicrate adopte-t-il envers Arlequin une fois l'échange effectué?
    6. Cléanthis et Arlequin ont-ils la même attitude face à leurs maîtres?
    7. Comment la pièce se termine-t-elle?
    8. Quelle en est la morale? En quoi cette conclusion, après un début frondeur, peut-elle paraître décevante?

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