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    Quel est l'intérêt de ces réécritures?

    Nous avons vu que les mythes et légendes sur les filles des eaux sont nombreux et qu'il traversent les époques et les frontières.  Quel est l'apport d'Andersen, de La Motte-Fouqué et de Giraudoux?

    • Légendes et mythes : les sirènes et les Ondines apparaissent comme des êtres maveillants, comme des sorcières qui envoûtent les hommes pour les conduire à leur perdition. Chez Homère, par exemple, les sirènes sont des monstres mi-femmes mi-oiseaux qui charment les marins par leur chant et les attirent sur les rivages où il viennent s'échouer et mourir. La Loreleï séduit également les navigateurs par le son mélodieux de sa voix et ses longs cheveux qu'elle peigne, du haut de son rocher. Les navires se brisent à ses pieds.
    • Ondine- 1811 : La Motte-Fouqué est le premier a effectué un changement essentiel: Ondine change de nature et se transforme en un être bienveillant, innocent, une enfant qui rêve d'amour et d'avoir une âme. Ce sont les hommes qui sont inconstants et infidèles. La Motte-Fouqué, au moment de l'écriture, venait de divorcer d'avec son épouse. Il avait vécu cette situation de l'homme torturé entre deux femmes et éprouvait des remords. Il utilise le merveilleux pour mettre en évidence la fragilité et l'imperfection des humains, comme on a recours à l'utopie pour dénoncer les travers d'une société réelle. Auteur romantique par ailleurs, il prend le parti de la nature et des êtres merveilleux qui  l'habitent : la nixe incarne alors la pureté originelle tandis que ce sont les humains, comme Bertalda, qui représente la duplicité et le perversion des sirènes.
    • La Petite Sirène- 1837 : La petite sirène d'Andersen va bénéficier de cette nouvelle image. Elle est également puérile, pure, amoureuse des hommes puis d'un homme. Celui-ci n'a pas la brutalité ni l'ingratitude du chevalier de La Motte-Fouqué. Il ignore totalement ce qu'il doit à la petite sirène. Mais ce que l'on retient de ce conte, c'est l'esprit et le goût du sacrifice de l'héroïne, qui préférera disparaître plutôt que de tuer le prince, ainsi que le réclame le peuple de la mer.
    • Ondine, Giraudoux- 1939 : Giraudoux va encore plus loin. Ondine n'est plus à le recherche d'une âme car elle  possède une âme plus vaste que celle de l'humanité toute entière. Elle ne fait pas partie de la nature, elle EST la nature. De ce fait, elle a plus "d'âme" que les hommes qui se sont éloignés de la nature et même, l'ont corrompue. En réalité, on peut considérer que c'est l'inverse, et que c'est le chevalier qui gagne un supplément d'âme au contact d'Ondine. Giraudoux a fait de lui un lourdaux, qui ne pense qu'à manger, boire, qui ne se préoccupe que de son rang et de sa place à la cour. Berta lui ressemble. Elle est ingrate et égoïste.

             De là, l'incompatibilité entre Hans et Ondine : elle est féérique, il est prosaïque, terre à terre.                Elle est toute entière, spontanée, sincère, il est calculateur. Elle ne cherche que la vérité ( cf.                  l'épisode à la cour, la laideur du poète et la verrue du roi), il pense que toute vérité n'est pas                  bonne à dire. Le malheur pour Ondine, est qu'elle VOIT ce que les humains ne voient pas : elle            découvre donc rapidement que ce monde est celui du mensonge et de l'infidélité. Hans lui ne             voit rien . Comme le dit la reine Yseut, Ondine est la lumière, il aime une blonde. Ondine est la            beauté, il s'est épris dune jolie femme. Tout est petit chez le chevalier, tout est limité.

             Si la Petite Sirène d'Andersen a emprunté à Ondine  de la Motte-Fouqué sa pureté et sa                          bienveillance, l'Ondine de Giraudoux a hérité du goût du sacrifice de la Petite Sirène. Mais en               vain. Elle devra perdre son amour car le pacte est irrévovable.

             Ce dénouement tragique  a trois fonctions :

    • Il nous montre la difficile communication entre les êtres, à cause de leur dissimulation et de leurs mensonges.
    • Il nous prouve également que nous ne pouvons pas atteindre l'idéal, la perfection incarnée par Ondine. Mais la perfection rend-elle heureux? 
    • Enfin, il questionne l'image de l'amour absolu, l'amour d'une vie. Vision bien pessimiste de l'auteur, au moment où l'Europe vit sous la tension des prémices de la seconde guerre mondiale.

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    Les filles des eaux en littérature

    Etude préparatoire

    Etude préparatoire

    Etude préparatoire

     

             

     

     

     

     

       Albert Julius Olsson                                Collier Twentyman Smithers                                 John Waterhouse

     

    1 . Les genres narratifs :

    Quelles différences existe-t-il entre ces différents genres? Tentez de les définir :

    - le conte

    - la science-fiction

    - le fantastique

     

    2. Quelques concepts utiles :

    A quelles notions ces termes renvoient-ils? Donnez des exemples.

    • le mythe :
    • le mythe littéraire:
    • le thème :
    • le motif :

     

    3. Les créatures des eaux :

    • Le vocabulaire  désignant les créatures marines imaginaires est vaste : il peut varier selon l'origine ou les particularités physiques de celles-ci. Indiquez à quels lieux, époques, types de personnages correspondent les mots suivants : génie, loreleï, nixe, nix, naïde, nymphe, ondine, sirène, triton.
    • Ces créatures sont-elles plutôt bénéfiques ou maléfiques?

     

    4. L'Intertextualité:

    • Cherchez des légendes, mythes, oeuvres littéraires, musicales, cinématographiques ou picturales, qui mettent en scène des créatures marines.

     

    5. Intertextualité et réécriture :

    • Quelle est la particularité de la réécriture à l'intérieur du vaste domaine de l'intertextualité?
    • Donnez quelques exemples de réécritures.
    • A votre avis, quel est l'intérêt d'une réécriture?

     


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    Corpus :

    1. Oeuvres complètes :

    • Ondine, Friedrich de La Motte-Fouqué (1811)
    • La Petite Sirène, Hans Christian Andersen (1837)
    • Ondine, Jean Giraudoux (1939

     

    Les réécritures : étude comparée

    Les réécritures : étude comparée

    Les réécritures : étude comparée

     

                        

     

     

     

     

     

     

     

    2. Groupement de Textes :

    • Ma Sirène, Desnos
    • La Loreleï, Apollinaire
    • Ondine, Aloysius Bertrand

     

     Etude comparée

    1. Etablissez le schéma narratif ainsi que le schéma actantiel  (sujet : Ondine) de chacune des oeuvres complètes : quels sont les éléments semblables, quels sont les éléments qui diffèrent? La quête est-elle la même?
    2. Brossez un portrait d'Ondine dans les 6 oeuvres proposées : caractéristiques physiques et morales. Des traits communs à tous les textes apparaissent-ils? Existe-t-il des différences ou des variations?
    3. Quelle image des humains se profile dans chacune des versions?
    4. Quel est l'apport original de chacun des genres employés?
    5. Dans les trois récits, quel est selon vous l'enseignement prodigué? 
    6. En vous appuyant sur vos différentes réponses, répondez de façon synthétique à la problématique suivante :

    En quoi la quête d'un absolu est-elle à la fois source d'élévation et de destruction?


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  • Les Naïades 

    Dans la mythologie grecque, nymphes des eaux douces (rivières, fontaines, sources..). Filles de Zeus ou des dieux fleuves.

    Ce sont avant tout des divinités champêtres, représentées le buste et les jambes nues, couronnées de rodeaux ou de plantes aquatiques.

    Les différents types de naïades : (source : Wikipédia)

    Mythe : Hylas et les Nymphes.

     

    Sirènes et nymphes des eaux

    Hylas et les Nymphes- Henrietta Rae

     

    Les Nixes et les Ondines

    Dans les mythologies germaniques et scandinaves, les nixes sont des nymphes des eaux, de forme humaine mais avec le pouvoir de se métamorphoser ( neck ou necker, en néerlandais et en anglais), apparentées aux ondines et aux sirènes. Les trois filles du Rhin sont des ondines issues de la mythologie nordique, chargées par leur père, le Rhin, de garder le trésor caché au fond du fleuve.

    Contrairement aux sirènes, les nixes et les ondines ne portent pas de queue de poisson et ne fréquentent pas la mer. On les représente souvent avec de longs cheveux d'or, et se baignant dans les cascades et les rivières. Elles alimentent les fontaines en eau.

    Littérature : Ondine, de La Motte-Fouqué et Ondine de Jean Giraudoux

    Légende :  La Lorelei

     

    Sirènes et nymphes des eaux

    Ondine- Henri Fantin-Latour

     

    Les Sirènes

    Dans la mythologie grecque :   créatures marines mi- femmes mi-oiseaux qui séduisent les marins par le pouvoir magique de leur chant, de leur lyre et de leur flûte.  Leur mélodie les désoriente et leurs bateaux se fracassent contre les rochers.

    Dans le folklore scandinave et médiéval : créature légendaire mi-femme mi-poisson. Selon les récits, elle évolue indifféremment dans la mer ou dans les rivières. Elle peut prendre l'apparence d'un monstre gigantesque ou , au contraire, d'une nymphe avenante et séduisante.

     

    Sirènes et nymphes des eaux

    Sirène- Waterhouse

     

    Les Selkies

    Folklore Ecossais, des îles Shetland et des Orcades: créatures océanes féminines ou masculines, de grande beauté : selon les légendes, ce sont elles possèdent une forme humaine et, en se revêtant d'une peau de phoque, elles peuvent prendre la forme de cet animal marin et plpnger dans la mer. Selon d'autres versions, ce sont des phoques qui se transforment en humain en prenant pied sur la terre, ordinairement de nuit.  

    La peau de phoque est au centre des récits; lorqu'un être humain s'empare de la peau de phoque d'une selkie, celle-ci lui devra obéissance jusqu'à retrouver son vêtement magique. Il arrive qu'un humain et une selkie s'éprennent l'un de l'autre et fonde une famille. Il faut alors brûler la peau de phoque, car si la selkie la retrouve et s'en vêt, elle abandonne ses proches pour rejoindre  la mer.

    Un site très complet :

    http://idraemir.blogspot.fr/2013/07/les-selkies-une-romance-tragique.html

     

     

    Sirènes et nymphes des eaux

     Selkie

     

    Dans certaines légendes, les selkies sont des adjuvants, censés protéger les sirènes de leurs ennemis.

     

                                                           

     

                   Féminin

     

                       Masculin

     

    Une nymphe

     

    Un génie

     

    Une nixe

     

    Un nix

     

    Une ondine

     

    Un ondin

     

    Une sirène

     

    Un triton

     

    Une naïade

     

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  • http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1306211003.html

     

     

    Un récit est l'approche d'un événement qui, comme le chant des Sirènes pour Ulysse, est toujours passé, et toujours encore à venir

         
             
             
             
             
                                   
                                   

     

     

    Quelle est la nature du chant des Sirènes? Pourquoi est-il si puissant, si enchanteur, et pourquoi disparaît-il sans même qu'on l'ait entendu? Selon Maurice Blanchot, elles ne chantent pas encore, elles conduisent vers un espace où le chant est à venir. C'est un chant insolite, inhumain, très bas, au bord de la chute - qui reproduit en secret la parole usuelle des hommes. Une fois ce lieu atteint, les oreilles se ferment, il n'y a plus qu'à disparaître.

    Le chant est destiné à des navigateurs. Soit ils croient (par erreur) avoir atteint leur but, soit ils l'ont déjà dépassé. Il porte une promesse énigmatique qui brûle tout accès au chant et expose les marins à être infidèles à eux-mêmes. Et pourtant les Sirènes sont vaincues. Blanchot compare leur chant à un récit, un roman. Le récit est une navigation, une exploration dont le but n'est pas donné à l'avance. Il change sans cesse de direction, il va comme au hasard. Indifférent à la vérité habituelle, il fait du temps humain un jeu sans utilité, il ne relate pas un événement, il est l'événement même, l'approche de cet événement à venir. Il va vers un point inconnnu, ignoré, impérieux, qui ne devient attirant que par le mouvement du récit. Ulysse n'entre en rapport avec la voix du gouffre que dans le récit d'Homère; ce récit produit ce qu'il raconte - comme si Adam, pour être créé, avait du prononcer lui-même leFiat lux divin.

     

     

     

    Ulysse arrive dans un détroit sicilien, à moins que ce ne soit près de l'île de Capri. La magicienne Circé le met en garde : de redoutables créatures, les sirènes (des oiseaux à tête de femme) séduisent les marins par la douceur de leur voix, leur font tout oublier, et les navires se brisent sur les récits. Ulysse, le rusé, fait couler de la cire dans les oreilles de ses marins pour qu’ils ne puissent pas entendre les sirènes. Pour pouvoir les entendre lui-même, il se fait attacher au mât du navire. S'il demande à être détaché, les marins doivent serrer les liens encore plus fort. Son stratagème réussit. Il peut écouter leur chant sans se précipiter vers elles malgré la tentation. Il est possible qu'à la suite de cette humiliation, les sirènes se soient suicidées de dépit en se jetant dans la mer du haut de leur rocher.

     

     

     

     

    Le récit donne la parole au temps. Il rend présente une expérience qui n'appartient à aucun présent, qui "détruit même le présent où elle semble s'introduire". Il ouvre un mouvement infini où la rencontre commence à avoir lieu, où prend naissance la parole qui pourrait prononcer la rencontre. Quand s'accomplit le temps propre du récit, le rapport au temps est bouleversé, transformé.

     

     

     

     

     

     

     

     
     
     

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  • Contes, pièces, romans, nouvelles et poésie

    • Les sirènes dans l'Odyssée- Homère
    • Ondine- La Motte-Fouqué
    • La petite sirène- Andersen
    • Le silence des sirènes- Kafka 
    • Ondine- Giraudoux
    • L'inconnue de la Seine- Supervielle : L'Enfant de la Haute Mer
    • Les Sirènes- Apollinaire : Le Bestiaire
    • La Loreleï- Apollinaire : Alcools
    • Ma Sirène- Desnos : Destinée arbitraire 
    • Ondine- Aloysius Bertrand : Gaspard de la Nuit

     

    Texte 1 : l'épisode des sirènes dans l'Odyssée d'Homère

    v.29-58 - Traduction de Leconte de Lisle (1867)

    Et, pendant tout le jour, jusqu'à la chute de Hèlios, nous restâmes, mangeant les chairs abondantes et buvant le vin doux. Et, quand Hèlios tomba, le soir survint, et mes compagnons s'endormirent auprès des câbles de la nef. Mais Kirkè, me prenant par la main, me conduisit loin de mes compagnons, et, s'étant couchée avec moi, m'interrogea sur les choses qui m'étaient arrivées. Et je lui racontai tout, et, alors, la vénérable Kirkè me dit :

    - Ainsi, tu as accompli tous ces travaux. Maintenant, écoute ce que je vais te dire. Un Dieu lui-même fera que tu t'en souviennes. Tu rencontreras d'abord les Seirènes qui charment tous les hommes qui les approchent ; mais il est perdu celui qui, par imprudence, écoute leur chant, et jamais sa femme et ses enfants ne le reverront dans sa demeure, et ne se réjouiront. Les Seirènes le charment par leur chant harmonieux, assises dans une prairie, autour d'un grand amas d'ossements d'hommes et de peaux en putréfaction. Navigue rapidement au delà, et bouche les oreilles de tes compagnons avec de la cire molle, de peur qu'aucun d'eux entende. Pour toi, écoute-les, si tu veux ; mais que tes compagnons te lient, à l'aide de cordes, dans la nef rapide, debout contre le mât, par les pieds et les mains, avant que tu écoutes avec une grande volupté la voix des Seirènes. Et, si tu pries tes compagnons, si tu leur ordonnes de te délier, qu'ils te chargent de plus de liens encore.

    v.142-200 

    Elle parla ainsi, et aussitôt Eôs s'assit sur son thrône d'or, et la noble Déesse Kirkè disparut dans l'île. Et, retournant vers ma nef, j'excitai mes compagnons à y monter et à détacher les câbles. Et ils montèrent aussitôt, et ils s'assirent en ordre sur les bancs, et ils frappèrent la blanche mer de leurs avirons. Kirkè aux beaux cheveux, terrible et vénérable Déesse, envoya derrière la nef à proue bleue un vent favorable qui emplit la voile ; et, toutes choses étant mises en place sur la nef, nous nous assîmes, et le vent et le pilote nous conduisirent. Alors, triste dans le coeur, je dis à mes compagnons.

    - O amis, il ne faut pas qu'un seul, et même deux seulement d'entre nous, sachent ce que m'a prédit la noble Déesse Kirkè ; mais il faut que nous le sachions tous, et je vous le dirai. Nous mourrons après, ou, évitant le danger, nous échapperons à la mort et à la Kèr. Avant tout, elle nous ordonne de fuir le chant et la prairie des divines Seirènes, et à moi seul elle permet de les écouter ; mais liez-moi fortement avec des cordes, debout contre le mât, afin que j'y reste immobile, et, si je vous supplie et vous ordonne de me délier, alors, au contraire, chargez-moi de plus de liens.

    Et je disais cela à mes compagnons, et, pendant ce temps, la nef bien construite approcha rapidement de l'île des Seirènes, tant le vent favorable nous poussait ; mais il s'apaisa aussitôt, et il fit silence, et un Daimôn assoupit les flots. Alors, mes compagnons, se levant, plièrent les voiles et les déposèrent dans la nef creuse ; et, s'étant assis, ils blanchirent l'eau avec leurs avirons polis. Et je coupai, à l'aide de l'airain tranchant, une grande masse ronde de cire, dont je pressai les morceaux dans mes fortes mains ; et la cire s'amollit, car la chaleur du Roi Hèlios était brûlante, et j'employais une grande force. Et je fermai les oreilles de tous mes compagnons. Et, dans la nef, ils me lièrent avec des cordes, par les pieds et les mains, debout contre le mât. Puis, s'asseyant, ils frappèrent de leurs avirons la mer écumeuse.

    Et nous approchâmes à la portée de la voix, et la nef rapide, étant proche, fut promptement aperçue par les Seirènes, et elles chantèrent leur chant harmonieux :

    - Viens, ô illustre Odysseus, grande gloire des Akhaiens. Arrête ta nef, afin d'écouter notre voix. Aucun homme n'a dépassé notre île sur sa nef noire sans écouter notre douce voix ; puis, il s'éloigne, plein de joie, et sachant de nombreuses choses. Nous savons, en effet, tout ce que les Akhaiens et les Troiens ont subi devant la grande Troie par la volonté des Dieux, et nous savons aussi tout ce qui arrive sur la terre nourricière.

    Elles chantaient ainsi, faisant résonner leur belle voix, et mon coeur voulait les entendre ; et, en remuant les sourcils, je fis signe à mes compagnons de me détacher : mais ils agitaient plus ardemment les avirons ; et aussitôt, Périmèdès et Eurylokhos, se levant, me chargèrent de plus de liens.

    Après que nous les eûmes dépassées et que nous n'entendîmes plus leur voix et leur chant, mes chers compagnons retirèrent la cire de leurs oreilles et me détachèrent.

    http://www.mediterranees.net/mythes/ulysse/epreuves/sirenes/leconte.html
     

     Texte 2 : Hans Christian Andersen, Incipit, « La petite sirène », Contes, 1850

     

     Bien loin dans la mer, l’eau est bleue comme les feuilles des bluets, pure comme le verre le plus transparent, mais si profonde qu’il serait inutile d’y jeter l’ancre, et qu’il faudrait y entasser une quantité infinie de tours d’église les unes sur les autres pour mesurer la distance du fond à la surface.

    C’est là que demeure le peuple de la mer. Mais n’allez pas croire que ce fond se compose seulement de sable blanc ; non, il y croît des plantes et des arbres bizarres, et si souples, que le moindre mouvement de l’eau les fait s’agiter comme s’ils étaient vivants. Tous les poissons, grands et petits, vont et viennent entre les branches comme les oiseaux dans l’air. À l’endroit le plus profond se trouve le château du roi de la mer, dont les murs sont de corail, les fenêtres de bel ambre jaune, et le toit de coquillages qui s’ouvrent et se ferment pour recevoir l’eau ou pour la rejeter. Chacun de ces coquillages referme des perles brillantes dont la moindre ferait honneur à la couronne d’une reine.

    Depuis plusieurs années le roi de la mer était veuf, et sa vieille mère dirigeait sa maison. C’était une femme spirituelle, mais si fière de son rang, qu’elle portait douze huîtres à sa queue tandis que les autres grands personnages n’en portaient que six. Elle méritait des éloges pour les soins qu’elle prodiguait à ses six petites filles, toutes princesses charmantes. Cependant la plus jeune était plus belle encore que les autres ; elle avait la peau douce et diaphane comme une feuille de rose, les yeux bleus comme un lac profond ; mais elle n’avait pas de pieds : ainsi que ses sœurs, son corps se terminait par une queue de poisson.

    Toute la journée, les enfants jouaient dans les grandes salles du château, où des fleurs vivantes poussaient sur les murs. Lorsqu’on ouvrait les fenêtres d’ambre jaune, les poissons y entraient comme chez nous les hirondelles, et ils mangeaient dans la main des petites sirènes qui les caressaient. Devant le château était un grand jardin avec des arbres d’un bleu sombre ou d’un rouge de feu. Les fruits brillaient comme de l’or, et les fleurs, agitant sans cesse leur tige et leurs feuilles, ressemblaient à de petites flammes. Le sol se composait de sable blanc et fin, et une lueur bleue merveilleuse, qui se répandait partout, aurait fait croire qu’on était dans l’air, au milieu de l’azur du ciel, plutôt que sous la mer. Les jours de calme, on pouvait apercevoir le soleil, semblable à une petite fleur de pourpre versant la lumière de son calice.

    Chacune des princesses avait dans le jardin son petit terrain, qu’elle pouvait cultiver selon son bon plaisir. L’une lui donnait la forme d’une baleine, l’autre celle d’une sirène ; mais la plus jeune fit le sien rond comme le soleil, et n’y planta que des fleurs rouges comme lui. C’était une enfant bizarre, silencieuse et réfléchie. Lorsque ses sœurs jouaient avec différents objets provenant des bâtiments naufragés, elle s’amusait à parer une jolie statuette de marbre blanc, représentant un charmant petit garçon, placée sous un saule pleureur magnifique, couleur de rose, qui la couvrait d’une ombre violette. Son plus grand plaisir consistait à écouter des récits sur le monde où vivent les hommes. Toujours elle priait sa vieille grand’mère de lui parler des vaisseaux, des villes, des hommes et des animaux.

    Elle s’étonnait surtout que sur la terre les fleurs exhalassent un parfum qu’elles n’ont pas sous les eaux de la mer, et que les forêts y fussent vertes.

    Elle ne pouvait pas s’imaginer comment les poissons chantaient et sautillaient sur les arbres. La grand’mère appelait les petits oiseaux des poissons ; sans quoi elle ne se serait pas fait comprendre.

    « Lorsque vous aurez quinze ans, dit la grand’mère, je vous donnerai la permission de monter à la surface de la mer et de vous asseoir au clair de la lune sur des rochers, pour voir passer les grands vaisseaux et faire connaissance avec les forêts et les villes. »

     

    Texte 3 : Le silence des sirènes- Kafka

    Comme preuve que des moyens insuffisants, puérils même, peuvent servir au salut :

    Pour se préserver des Sirènes, Ulysse se boucha les oreilles avec de la cire et se fit enchaîner au mât. Tous les voyageurs, sauf ceux que les Sirènes attiraient de loin, auraient pu depuis longtemps faire de même, mais le monde entier savait que cela ne pouvait d’être d’aucun secours. La voix des Sirènes perçait tout et la passion des hommes séduits eût fait éclater des choses plus solides que les chaînes et un mât. Mais bien qu’il en eût peut-être entendu parler, Ulysse n’y pensait pas. Il se fiait absolument à sa poignée de cire et à son paquet de chaînes, et toute à la joie innocente que lui procuraient ses petits expédients, il alla au-devant des Sirènes.

    Or, les Sirènes possèdent une arme plus terrible encore que leur chant, et c’est leur silence. Il est peut-être concevable, quoique cela ne soit pas arrivé, que quelqu’un ait pu échapper à leur chant, mais sûrement pas à leur silence. Au sentiment de les avoir vaincues par sa propre force et à l’orgueil violent qui en résulte, rien de terrestre ne saurait résister.

    Et de fait, quand Ulysse arriva, les puissantes Sirènes cessèrent de chanter, soit qu’elles crussent que le silence seul pouvait encore venir à bout d’un pareil adversaire, soit que la vue de la félicité peinte sur le visage d’Ulysse leur fît oublier tous leurs chants.

    Mais Ulysse, si l’on peut s’exprimer ainsi, n’entendit pas leur silence ; il crut qu’elles chantaient et que lui seul était préservé de les entendre ; il vit d’abord distraitement la courbe de leur cou, leur souffle profond, leurs yeux pleins de larmes, leur bouche entrouverte, mais il crut que tout cela faisait partie des airs qui se perdaient autour de lui. Mais bientôt tout glissa devant son regard fixé au loin ; les Sirènes disparurent littéralement devant sa fermeté et c’est précisément lorsqu’il fut le plus près d’elles qu’il ignora leur existence.

    Mais elles, plus belles que jamais, s’étirèrent, tournèrent sur elles-mêmes, laissèrent leur terrifiante chevelure flotter librement au vent et leurs griffes se détendirent sur le roc. Elles ne désiraient plus séduire, elles ne voulaient plus que retenir le plus longtemps possible au vol le reflet des grands yeux d’Ulysse. Si les Sirènes avaient eu une conscience, elles se fussent alors anéanties. Mais telles qu’elles étaient, elles restèrent ; seul Ulysse leur a échappé.

    La tradition rapporte d’ailleurs un complément à cette version. Ulysse, dit-on, était si fertile en inventions que la déesse Destinée elle-même ne pouvait lire dans son coeur. Il est possible – encore que l’intelligence humaine ne puisse le concevoir – qu’il ait réellement remarqué que les Sirènes se taisaient et qu’il n’ait usé de la feinte décrite ci-dessus que pour leur opposer, à elles et aux dieux, une espèce de bouclier.

    Franz Kafka (1917), dans Récits et fragments narratifs, La Pléiade, traduction Marthe Robert.

    https://krotchka.wordpress.com/2009/03/19/le-silence-des-sirenes/

     

    Texte 4 : Les Sirènes- Apollinaire- Le Bestiaire

    Corpus sur la sirène

      
     
    Les Sirènes

     

    Sachè-je d’où provient, Sirènes, votre ennui
    Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?
    Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées
    Et mes vaisseaux chantants se nomment les années. 

     

    Texte 5 : Ma sirène- Desnos

    Ma sirène

    Robert DESNOS
    Recueil : "Destinée arbitraire"

    Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
    Pour l’instant elle dort sur la nacre
    Et sur l’océan que je crée pour elle
    Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues
    Là des oiseaux très bêtes
    conversent avec des crocodiles qui n’en finissent plus
    Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
    Les crocodiles retournent à leur boire
    Et l’île n’en revient pas
    ne revient pas d’où elle se trouve
    où ma sirène et moi nous l’avons oubliée

    Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
    Des étoiles blondes aux yeux noirs
    Des étoiles rousses aux dents étincelantes
    et des étoiles brunes aux beaux seins
    Chaque nuit trois par trois
    alternant la couleur de leurs cheveux
    Ces étoiles visitent ma sirène
    Cela fait beaucoup d’allées et venues dans le ciel
    Mais le ciel de ma sirène n’est pas un ciel ordinaire

    Ma sirène a sept bateaux sur son océan
    Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi
    Samedi et Dimanche
    Les uns à vapeur les autres à voiles
    Les uns rapides les autres lents
    Mais tous beaux mais tous charmants
    avec des marins connaissant leur métier

    Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs
    C’est pour laver sa jolie peau
    Ma sirène a beaucoup de savons
    L’un pour les mains
    L’autre pour les pieds
    Un pour hier
    Un pour demain
    Un pour chacun des yeux
    Et celui-là pour sa queue d’écailles
    Et cet autre pour les cheveux
    Et encore un pour son ventre
    Et encore un pour ses reins

    Ma sirène ne chante que pour moi
    J’ai beau dire à mes amis de l’écouter
    Personne ne l’entendit jamais
    Excepté un, un seul
    Mais bien qu’il ait l’air sincère
    Je me méfie car il peut être menteur.

    http://www.unjourunpoeme.fr/poeme/ma-sirene

     

    Texte 6 : Ondine- Aloysius Bertrand

     «  Ecoute ! – Ecoute ! – C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.

    – Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.

    – Ecoute ! – Ecoute ! – Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! »

    **
    Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

    Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

     

     

    Texte 7 : "L'inconnue de la Seine"- conte tiré du recueil L'Enfant de la haute mer. (1931)- Jules Supervielle

     

     

    Une jeune fille s’est jetée, depuis Paris, dans la Seine. Elle veut que sa noyade l’emmène jusque dans la mer mais elle désespère d’y parvenir. Un homme, noyé de longue date, vient à son aide et lui fait découvrir l’univers sous-marin où vivent de nombreux disparus en mer.  Mais assez vite, la jeune fille ressent un peu d’ennui. Dans le passage qui suit, cette jeune fille, appelée « L’Inconnue de la Seine » s’entretient avec une autre noyée appelée « La Naturelle ».

    « Pourquoi me suis-je jetée à l’eau ? Pensait la nouvelle venue. J’ignore même si j’étais là-haut une femme ou une jeune fille. Ma pauvre tête n’est plus peuplée que d’algues et de coquillages. Et j’ai fort envie de dire que cela est très triste, bien que je ne sache plus au juste ce que ce mot signifie. »

    La voyant ainsi peinée, une autre jeune fille s’approcha qui avait fait naufrage deux ans auparavant et qu’on appelait La Naturelle :

    - Le séjour dans les profondeurs, vous verrez, lui dit-elle, vous donnera une confiance très grande. Mais il faut laisser aux chairs le temps de se reformer, de devenir suffisamment denses, pour que le corps ne remonte pas à la surface[1]. Ne pas être là à vouloir manger et boire. Ces enfantillages passent vite. Et je pense que bientôt de vraies perles vous sortiront des yeux quand vous vous y attendrez le moins, ce sera le signe précurseur de l’acclimatation.

    - Que fait-on ici ? demanda l’Inconnue de la Seine au bout d’un moment.

    - Mille choses ; on ne s’ennuie pas, je vous assure. On visite le fond de la mer pour y recueillir des isolés et les ramener ici, augmenter la puissance de notre colonie. Quelle émotion lorsqu’on en découvre un qui se croit condamné à une solitude éternelle dans notre grande prison de cristal ! Comme il titube et s’accroche aux plantes marines ! Comme l se cache ! Il croit voir partout des requins. Et puis voici un homme comme lui qui s’en vient et l’emporte dans ses bras à la façon d’un infirmier après la bataille, vers des régions où il n’aura plus rien à redouter.

    - Et les bateaux qui coulent, en voyez-vous souvent ?

    - Une fois seulement j’ai vu tomber au fond de la mer mille et mille choses destinées à la surface. Tout cela qui nous arrivait dessus, dégringolait dans l’eau : de la vaisselle, des malles, des cordages et même des voitures d’enfants. Il fallut aller secourir ceux qui restaient dans les cabines, enlever tout d’abord leur ceinture de sauvetage. De vigoureux Ruisselants[2], la hache à la main, délivraient les naufragés. Et, la hache cachée, les rassuraient de leur mieux. On rangeait les provisions de toutes sortes dans les entrepôts qui se trouvent sous notre terre à nous, celle qui est sous la mer.

    - Mais puisqu’on n’a plus de besoins ?

    - Nous feignons d’en avoir pour que le temps pèse moins.

     

    [1] Lorsque la jeune femme a été secourue, on lui a mis au pied un poids de plomb pour empêcher qu’elle ne remonte à la surface, ce qui causerait sa « mort ».

    [2] Les Ruisselants : c’est le nom des habitants de ce peuple sous-marin.

     

    Texte 8 : La Loreleï- Apollinaire

    à Jean sève

     

    À Bacharach il y avait une sorcière blonde
    Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

    Devant son tribunal l'évêque la fit citer 
    D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

    Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries 
    De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

    Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits 
    Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

    Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
    Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

    Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley 
    Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

    Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge 
    Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

    Mon amant est parti pour un pays lointain 
    Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

    Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure 
    Si je me regardais il faudrait que j'en meure

    Mon cœur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
    Mon cœur me fit si mal du jour où il s'en alla

    L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
    Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

    Vat-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblant
    Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

    Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
    La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

    Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
    Pour voir une fois encore mon beau château

    Pour me mirer une fois encore dans le fleuve 
    Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

    Là haut le vent tordait ses cheveux déroulés
    Les chevaliers criaient Loreley Loreley

    Tout là bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
    Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

    Mon cœur devient si doux c'est mon amant qui vient
    Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

    Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
    Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

    Guillaume Apollinaire (1880 - 1918), Alcools

     

     

                                                        

     

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