•  Le petit musée des horaires

                                     Saignées dans l’enseignement du français

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      http://www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/79-le-petit-musee-des-horaires

       Les majorités de droite et de gauche se suivent et se ressemblent, s’évertuant par exemple à instaurer depuis dix ans en France un « socle de compétences et de connaissances » pour définir « ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire »1. Grave et noble préoccupation qui laisse amer quand on observe, derrière les belles intentions, la réalité des actes depuis plusieurs décennies.

    Un constat saisissant : l'exemple de la lecture

    Quiconque enseigne peut s’en rendre compte : les difficultés des élèves sont croissantes en français, à commencer par la lecture elle-même. Pour s'en convaincre autrement qu'au doigt mouillé, quelques statistiques officielles, même si certains continuent de penser que « Le niveau monte » :

    - 12% des élèves entrant en 6e ne savent pas bien associer les lettres et les sons2.
    40% des élèves entrant en 6e, parce qu’ils ne sont pas assez entraînés à la lecture, ne peuvent utiliser le contenu de manuels scolaires. 15% connaissent même des difficultés de lecture sévères ou très sévères3.
    Le nombre d’élèves de primaire en très grande difficulté en lecture a doublé en vingt ans4. Même l'historien de l'école Antoine Prost, pourtant réformiste engagé, en convient : « Le niveau baisse : cette fois-ci c'est vrai ! »5
    - 7% des élèves de 15-16 ans n’ont pas le niveau primaire en compréhension de l’écrit à l’issue de la scolarité obligatoire6. Mais les difficultés de compréhension touchent à des degrés divers presque tous les élèves.

    Le constat s’étend malheureusement à toutes les compétences de français : expression orale mal assurée, culture littéraire en recul, vocabulaire appauvri, écrit avec orthographe et syntaxe défaillantes en fin de scolarité obligatoire. Autant de constats qui sont particulièrement criants dans les collèges les plus défavorisés, où la graphie même des élèves de quinze ans ou plus est parfois alarmante. Mais le constat touche également - dans des proportions moindres - les établissements les plus favorisés.

    Les réformistes avancent de nombreuses raisons à l’échec scolaire : pédagogies traditionnelles inadaptées, difficultés de la langue, élitisme du collège bourgeois, notation stigmatisante, rupture brutale entre l’école et le collège… Autant de raisons qui n'en étaient pas jusqu'ici ou qui n'expliquent en rien les difficultés de lecture croissantes à la sortie du primaire, véritable pierre d'achoppement de l'ensemble de la scolarité.

    Une partie de la réponse est pourtant là, sous nos yeux7.

     

    L'évolution des horaires hebdomadaires de français

    Dans le primaire l’horaire hebdomadaire de français a été divisé par deux en moins d’un siècle. Un élève sortant du CM2 aujourd’hui a bénéficié de dix heures de français par semaine (36h) de moins qu’un élève sortant de CE2 en 1926 (46,5h) !

    Horaires hebdomadaires de français dans le primaire depuis un siècle

     

     

     Cette saignée s’explique principalement par la multiplication des missions et des enseignements nouveaux assignés à l'école, dont l’exemple le plus récent (et le plus sidérant) est l’enseignement de l’anglais dès le CP. Pour rendre plus acceptable cette saignée, les programmes les plus récents précisent que treize heures de français « réparties dans tous les champs disciplinaires » s’ajoutent aux heures de français proprement dites.

    Mais cette diminution a également affecté le collège.

    Il faut bien sûr circonscrire notre réflexion au collège unique : quand celui-ci a été mis en place en 1975, il s’agissait de démocratiser enfin le secondaire. Or il est frappant de constater que cette démocratisation s’est immédiatement accompagnée d’une nouvelle baisse des horaires de français en primaire… alors même que les nouveaux publics du collège étaient – par définition – beaucoup plus hétérogènes, notamment s'agissant de la maîtrise de la langue !

    Horaires hebdomadaires de français dans la scolarité obligatoire

    Cette nouvelle saignée au collège a été facilitée, dans les deux dernières décennies, par la mise en place de fourchettes horaires fixant des horaires plafond et des horaires plancher : ces derniers sont devenus la norme.

    Juste avant le collège unique les élèves bénéficiaient de 2808 heures de français du CP jusqu’au collège. Aujourd’hui ils ne bénéficient plus que de 1908 heures. Au total ce sont 900 heures, soit plus du tiers, qui sont perdues pour les élèves. Un élève sortant du collège avant la mise en place du collège unique bénéficiait de presque 50% d’heures de français de plus qu’aujourd’hui.

    Pour le dire autrement un élève sortant du collège aujourd’hui a bénéficié dans sa scolarité de moins d’heures de français qu’un élève sortant de l'école primaire avant la mise en place du collège unique (1908h contre 2016h). Jamais, dans l'histoire de la République, les élèves n'ont eu si peu d'enseignement de français et on s'étonne de la faiblesse de leur niveau !

     

    Une conjonction de facteurs aggravants

    Les horaires ont été affectés mais également les modalités d’enseignement : ainsi, en 1972, un élève de sixième bénéficiait de six heures de français dont la moitié en demi-groupe. Un professeur certifié de lettres s’occupait alors de deux classes de sixième : aujourd’hui, alors que le mot d’ordre est à l’enseignement « personnalisé » et « différencié », le même professeur doit prendre en charge quatre classes de français avec seulement 4h30 par classe et sans demi-groupe. Mais certains continuent de réclamer la bivalence des enseignants pour réduire le nombre d'intervenants au collège.

    Pour des raisons essentiellement budgétaires le taux de redoublement au collège, qui permettait aux élèves en difficultés d’asseoir leurs acquis, a été divisé par deux, trois ou quatre, suivant le niveau, en un quart de siècle. De même le taux de scolarisation à deux ans a été divisé par trois dans la dernière décennie. Les taux d'encadrement (en maternelle deux fois plus d'élèves par enseignant et en primaire un tiers de plus en France qu'en Finlande par exemple) empêchent également de porter une véritable attention aux élèves les plus en difficulté.

    A ces facteurs s’ajoute un facteur aggravant : l’interdiction, sous la pression de certaine fédération de parents d'élèves progressiste, des devoirs écrits à la maison en primaire, lesquels constituaient pourtant pour les élèves autant d’occasions de systématiser les apprentissages. La prolifération des écrans dans cette dernière décennie n'a fait qu’ajouter à la déshérence de la lecture.

    Enfin les nouvelles pédagogies, promues dans les IUFM, ont porté le dernier coup au caractère structuré de ces apprentissages et aux savoir-faire qui les accompagnaient : méthodes hasardeuses d’apprentissage de la lecture en primaire, valorisation de l'oral et mise à l'écrit moins systématique et moins exigeante, nouvelle observation réfléchie de la langue, décloisonnement, séquence pédagogique au collège, dont la grammaire, le vocabulaire et la langue en général sont devenus les parents pauvres, enseignement par compétences etc. Pour couronner le tout, on nous propose aujourd'hui de supprimer les notes !


    « Les savoirs ont changé »

    Les élèves ne savent pas lire ou écrire mais ils ont d'autres compétences, soutiennent sans ciller les adeptes du déni.

    Et, se pressant au chevet de l'école, nos Diafoirus non pas de déplorer ces saignées successives mais d'en proposer de nouvelles : il est ainsi question d'ajouter l'apprentissage du code informatique dans le socle commun et de l'enseigner dès le primaire8. Maryline Baumard, du « Monde », l'a dit :

    Plutôt que de faire de la grammaire, on peut faire du codage : on arrivera peut-être aux mêmes connexions de neurones, j'en sais rien.9

    D'autres vantent toutes sortes de potions magiques, dont les derniers avatars sont la réforme des rythmes scolaires ou l'école numérique. On se félicite ainsi - parce que c'est moderne - de mettre chaque semaine les élèves les plus en difficulté des collèges les plus défavorisés face à des écrans, sur le site du CNED.

    D'autres accusent les programmes, les professeurs ou la langue elle-même, norme arbitraire (pourtant simplifiée à cet effet en 1990) qu'on voudrait imposer à des élèves s'exprimant dans un «français vernaculaire » qui vaut bien le « français académique ». Quand, en 2007, une étude a démontré que « les élèves de cinquième de 2005 font le même nombre de fautes que les élèves de CM2 il y a vingt ans », Jean-Pierre Jaffré, linguiste et chercheur au CNRS, en relativisait alors la portée en ces termes :

    Plus que d'un déclin orthographique, finalement très relatif, nous avons plutôt affaire à une mutation orthographique qui retrouve les vertus de la variation, sinon dans un même texte, comme ce fut le cas jadis, du moins dans des textes dont le but et le statut social sont distincts. [...] Plutôt que de vouloir apprendre d'emblée toute l'orthographe à tout le monde – ce qui parait bien utopique –, ne vaudrait-il pas mieux s'en tenir à des compétences de base en offrant des options formatives aux citoyens adultes qui en éprouveraient le besoin ?10

    De même la présidente de la très progressiste « Association française des professeurs de français », déplorant « des programmes tournés vers une connaissance livresque de la littérature » (sic), demandait ainsi récemment de réviser les ambitions de l'école en repensant « les objectifs et le programme en fonction du volume horaire » et relativisait en ces termes l'importance de la « maîtrise de la langue » :

    Le mot est à changer car il laisse penser qu'à un moment donné l'élève doit l'avoir maitrisé. Or l'apprentissage de la langue est quelque chose de continu. Derrière il y a l'idée d'un idéal inatteignable. On préférerait que soit définie une compétence linguistique orale ou écrite, en compréhension, expression.11

    Curieux progressisme qui renonce à donner l'instruction à ceux qui en ont le plus besoin.

    Non, on le voit : on n'a guère donné les moyens de réussir au collège unique. Sa réussite était en quelque sorte compromise dès sa naissance et les saignées successives n'ont fait qu'aggraver son état jusque aujourd'hui. On le sait pourtant : tous les enseignements puisent dans la maîtrise du français. Lorsque celle-ci devient à ce point fragile, comment espérer construire sur autre chose que sur du sable ?

    Parce que rien n'est irréversible, il ne nous reste plus qu'à résister et à faire entendre la petite voix de la raison dans l'étourdissante cacophonie idéologique qui est le propre de notre époque.

     

    A Lucienne, ma grand-mère, petite auvergnate d'autrefois, confiante dans l'école républicaine

     

    @loysbonod

     


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  • 1. Qu'est-ce que le Pataouète?

    http://www.librairie-pied-noir.com/content/9-pataouete

     http://www.bainsromains.com/PagesSensations/Pataouete.html

     

    2. "La Parodie du Cid" d'Edmond Brua :

    Acte I- Scène 5

    Dodièze, l'espadrille à la mainRoro.

    DODIEZE

                Ô Roro, ti'as pas peur?

    RORO

                                                             Si ça s'rait pas mon père,

                Qu'est-c'que j'y réponds pas!

    DODIEZE

                                                                        Qué gentil carattère!

                Ça fait plaisir de oir comme y prend la rabbia.

                Çuilà, c'est tout craché la photo à papa.

                Dès, c'est moi ou c'est toi que j'me ois dans la glace?

                Allez, va, viens, mon fils, viens me laver la face,

                Viens me manger!

    RORO

                                                     De quoi?

    DODIEZE

                                                                        Me ...venger d'un macro

                Qu'à l'honneur de nous aut' y vient d'faire un accroc.

                D'un bon coup de soufflet y m'a donné le compte.

                Si je me retiens pas, ay! comm' ça l'oeil j'y monte!

                Tâche moyen de oir ousqu'y s'est ensauvé ;

                Mâ entention, fais gaffe, il a rien du cavé ;

                C'est...

    RORO

                                Allez, disez-le !

    DODIEZE

                                                                C'est le père à Chipette.

    RORO

                Le...

    DODIEZE 

                          Basta! Je connais ça que ti'as dans la tête.

    ( Il lui tend son espadrille.)

                Mâ comme y dit Fernand, le de'oir avant tout !

                Va, cours, vole, assassine et bouffes-y... le mou!

                                                                       ( Exit Dodièze)

     

    Scène 6

     RORO, l'espadrille à la main.

                                                                              Traversé jusqu'à l'os du cœur,

                                                     L'amour y me retient, le de'oir y m'appelle !

                                                     La querelle à papa faut qu' j'en fais ma querelle

                                                     Pour un p'tit coup d'soufflet qu'y s'a pris par erreur !

                                                     Atso ! C'est rigolo comm' la vie elle est triste!

                                                                                  Je viens antitoutiste !

                                                                            Moi et Chipette on était fiancés,

                                                                              Michquine et michquinette !

                                                                       Allez! Mon père y s'a fait renfoncer.

                                                                   Et l'enfonceur, c'est le père à Chipette !

     

                                                                           Eh ben ! ti'es dans de jolis draps !

                                                      Ouais, l'honneur il est propre et l'amour elle est fraîche !

                                                      Ça qu'y veut çuilà, oilà qu'l'aute y l'empêche ;

                                                      Un y te pousse en haut, l'aute y te tire en bas.

                                                      Méteunant, ti'as le choix : ou tu perds ta future, 

                                                                           Ou tu perds la fugure !

                                                                       Total, c'est tout. Le sort il est jeté,

                                                                           Michquine et michquinette !

                                                                 Pour un gnafron, pour un père ensulté,

                                                                Faut qu'j me donne a' c le père à Chipette !

     

                                                                               Mon père y fait bien les discours

                                                       A'c le de'oir, l'amour, l'honneur, la rigolade,

                                                       Le bras, les mains, les pieds. Ay, ay, ay ! qué salade !

                                                       Ou bien c'est la faillite, ou bien y'a plus d'amour.

                                                       Souyer, petit souyer qu'y m'a donné mon père

                                                                                      Pour y donner sa mère

                                                                         À Gongormatz, mon futur bienfaiteur.

                                                                                  Michquine et michquinette !

                                                                         Petit souyer, dis-moi si ti'as le cœur

                                                                         Pour y donner la grand'mère à Chipette !

                                                         En tapant Gongormatz, qu'est-c'qu'y dira sa fille?

                                                         Que c'est pas des façons d'rentrer dans la famille.

                                                          Mâ, en pas le tapant, qu'est-c' qu'y dira papa?

                                                          Total, des deux côtés, et tourne et vogue et danse !

                                                                                        La valse y rôcommence !

                                                                              Je viens jmaous. Je ois tout à l'envers.

                                                                          Michquine et michquinette !

                                                                       Allez, Roro, sors-toi le rivolver !

                                                                        Y faut pas fair' de la peine à Chipette.

     

                                                                             Ho ! Moi je meurs et j'ai rien fait?

                                                        Chipette y prend le deuil, dans huit jours y s'le quitte ;

                                                        Le premier calamar y marie la petite

                                                         Et mon père y reste axe a'c son coup de soufflet,

                                                         Du temps que Gongormatz...Non ! La vie elle est courte,

                                                                                             Ô mortéguidamourte !

                                                         Où'il est ? Où il est,  ce grand lâche?...Et qui c'est?...

                                                                                            Aousque j'ai la tête?

                                                                             Papa, michquine, y s'a fait renfoncer,

                                                                             Et l'enfonceur, c'est le père à Chipette !

                                                                              

    GLOSSAIRE DES TERMES PATAOUÈTES

    Ac : syncope de "avec"

    Aousque, d'aousque : où est-ce que ? D'où est-ce que?

    Atso : ( napolitain cazzo : membre viril), interjection polyvalente ; dans son sens le moins fort : eh !

    Axe (rester) (italien : rimanere in asso, littéralement : tomber sur le cul = rester tout étonné.

     

     

       

     

     

     


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  • Extrait du site consacré à Edmond Brua : http://exode1962.fr/exode1962/en-savoir-plus/celebres/brua.html

    Alger aux yeux de Chipette

    C'est alors qu'il était jeune rédacteur à la Dépêche de Constantine, et souvent en reportage a Bône, que Brua a été fasciné par la splendeur des " histoires bônoises ", transmises d'une génération a l'autre, et par la verve de leurs protagonistes bien typés : Bagur et Salvator, amis et rivaux, aussi inséparables et éloquents qu'Achille et Patrocle, Roland et Olivier, le laitier Mikaleff, le ramasseur de chiens Galoufa et le curé maltais du quartier de la Colonne, dévot, mais ivrogne, le faux aveugle, le vrai bossu, le pétaradant sous-préfet et bien d'autres... Tous ces personnages, d'abord réels, puis mythiques, de la commedia dell'arte locale, ont connu une gloire dépassant les limites de " Bône la Coquette " (4) lorsqu'ils ont meublé les récits versifiés - en vieux français - des Fables bônoises (5) et quand le spirituel Bagur a pris la relais de Cagayous, son père spirituel.
    Même les lecteurs les plus obstinément " francaouis ", les plus désespérément " patos"(6) peuvent gouter " bor blisir " (7) comme s'ils étaient kif-kif pareils à nous-zotres, dés(8), ces mets piquants car la glossaire qui enrichit opportunément les Fables bônoises leur fournit la traduction sécurisante des mots exotiques, aussi insolites qu'épicés, qui y sont employés.
    Du coup, Brua, certain de ne pas errer, persévère. Diaboliquement.
    Accommodant à une sauce a peu près identique (moins philippevillo-bônoise, plus algéro-oranaise, disent les connaisseurs) un chef-d'œuvre universellement connu dans nos lycées et collèges : il achève " la Parodie du Cid " tragi-comédie en 4 actes, en vers et en pataouète ". La pièce, dont une version partielle avait été montée, avant la guerre, à une kermesse des " Amis da l'Université ", est représentée, dans la capitale algérienne, pendant la guerre, précédée d'un Impromptu d'Alger qui en défend et illustre le propos. 
    L'auteur incarne - noblesse oblige - " Roro, c'est-à-dire Rodriguez, le fils à ce vieux-là qu'il se vend les merguez ". Robert Castel, superbe, campe Dodièze, ce père noble qui a reçu de son rival Gongormatz un soufflet (un vrai puisque la gifle ignominieuse lui est administrée par l'instrument attiseur du feu pour saucisses à la grillade), et qui appelle à la vengeance son ardent rejeton. Enfin, Hélène Miguet, élève du Conservatoire d'art dramatique, joue Chipette, fille de Gongormatz, hélas, puisqu'e1le est - situation cornélienne - amoureuse de Roro. L'infortunée passera cependant du désespoir au bonheur. En effet, M. Fernand, député de la circonscription alors en mal de réélection, finira par triompher, et par arranger tout et le reste, dans un geste royal, parce que Roro, en un combat douteux, mais épique, a dompté les morts, arbitres des scrutins.
    Cette transfiguration pataouète des modèles imités - Rodrigue et Chimene, don Diégue et don Gormas - et cette transformation des Maures du Cid original en morts électoraux sont accueillies dans l'enthousiasme. Tout Alger, pour Roro, a les yeux de Chipette. Et la renommée du Roméo et de la Juliette de Bab-el-Oued passera même la Méditerranée, puisque la Parodie du " Cid " elle aussi publiée en livre peu après sa création, a été, d'autre part, applaudie à Paris, en 1968, et qu'un film, Rodriguez au pays des merguez, est sorti en 1980.

    Peuple harmonieux et barbare

    Si la " tirade du nez " du Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand est passée à la postérité gasconne, la postérité pied-noir n'en finira jamais de " prendre ventre de rire " avec la " tirade du bras " de Brua, l'épisode ou Dodieze, passant du passé au présent, et d'un geste virilement provocateur à un geste accablé, avoue son impuissance à affronter Gongormatz :

    Ce bras qu'il a tant fait le salut militaire,
    Ce bras qu'il a levé les sacs de pons de terre (9),
    Ce bras qu'il a gagné à tant de baroufas (10)
    Ce bras, ce bras d'honneur oila qu'il fait : tchouffa (11) !

    (4) Si coquette que " le cimetière da Bône envie de mourir il te donne ".
    (5) Publiées aux Editions Carbonel, Alger, 1938, avec des illustrations adéquates et pétillantes du dessinateur Brouty.
    (6) En espagnol : canards; en pataouète : Français da France.
    (7) Avec plaisir.
    (8) Dis !
    (9) Pommes de terre.
    (10) Batailles spectaculaires.
    (11) Désastre, débandade, fiasco. 

    2 commentaires
  • 1. La parodie :

    • Sketch des Inconnus imaginant une audition du Cid

    • chanson burlesque du fantaisiste Georgius
    • Parlé :}

      Ah ah, si Corneille entendait ça !

      Ah, la drôle d'histoire que je vais chanter là !
      Au petit village de Santa Madonna
      Habitait Rodrigue
      Un brave et beau zigue
      Qui avait du poil sur l'estomac

      Son père qui était un roublard, et comment !
      Qu'aimait pas s' biler, qu'était un peu fainéant
      Avait la manière
      De tout lui faire faire
      En le prenant par les sentiments

      - Rodrigue, as-tu du cœur ?
      - Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
      - Ah bon ? Alors va me chercher un paquet d' cigarettes
      Balaye le garage, gonfle ma bicyclette
      Rodrigue, as-tu du cœur ?
      - Je t'en supplie, papa, ne doute pas d' mon honneur !
      - Bravo, mon cher enfant, j'aime ta dignité
      Alors, cire mes chaussures et fais-les bien briller
      Olé !

      À la grande ville, tous les dimanches matin
      Ils s'en vont tous deux pour se distraire un brin
      C'est le beau Rodrigue
      Qui est l' fils prodigue
      Le père avare n'a pas un rotin
      Pour se taper la cloche ils entrent bientôt
      À l'Hostellerie du Canard aux Pruneaux
      Le papa commande
      Une grosse limande
      Et s'écrie devant le plat bien chaud

      - Rodrigue, as-tu du cœur ?
      - Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
      - Très bien. Alors coupe le poisson qui est dans mon assiette
      Donne-moi les filets et mange les arêtes
      Rodrigue, as-tu du cœur ?
      - Papa, je t'en supplie, ne doute pas d' mon honneur !
      - Bravo, mon cher enfant, t'es noble comme un lion
      Alors, appelle la bonne et règle l'addition
      C'est bon !

      Le père adorait les courses de taureaux
      Il entre aux arènes avec son grand Roro
      Le combat fait rage
      C'est un vrai carnage
      Jamais on n' vit plus méchant taureau
      Il a déjà tué quatorze picadors
      Six banderillos et le toréador
      Une panique immense
      Secoue l'assistance
      Le papa s' lève et remet ça encore

      - Rodrigue, as-tu du cœur ?
      - Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
      - Parfait ! Alors, cours au taureau qui prend cet air bravache
      Et dis-lui de ma part que c'est une vieille vache
      Rodrigue, as-tu du cœur ?
      - Oh oui, papa, j'en ai, j' vais te l' prouver sur l'heure
      Car je viens de comprendre que tu étais cinglé
      Je vais t' faire interner
      À l'asile d'aliénés
      {Parlé :}
      Allez, à la douche !

     

    • Le Cid Campeador de Georges Fourrest

    Le palais de Gormaz, comte et gobernador,
    Est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre
    L'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
    de Rodrigue appelé le Cid Campeador.

    Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
    Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador
    Et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
    Regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or..

     Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
    Sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
    Impassible et hautain, drapé dans sa capa,

    Le héros meurtrier à pas lents se promène :
    " Dieu ! " soupire à part soi la plaintive Chimène,
    " Qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! "

    2. Le Pastiche :

    Corneille (1606-1684) pastiché par Racine, Boileau et Furetière,Chapelain décoiffé (1664)

     

    « O rage ! ô désespoir ! ô Perruque m'amie !

    « N'as-tu donc tant duré que pour cette infamie ?

    « N'as-tu trompé l'espoir de tant de perruquiers

    « Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?

    « Nouvelle pension fatale à ma calotte !

    « Précipice élevé qui te jette en la crotte !

    « Crüel ressouvenir de tes honneurs passez,

    « Services de vingt-ans en un jour effacez !

    « Faut-il de ton vieux poil voir triompher la Serre ?

    « Ou te mettre crottée, ou te laisser à terre ?

    « La Serre, sois d'un roi maintenant regalé,

    « Ce haut rang n'admet pas un Poëte pelé ;

    « Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne,

    « Malgré mes masles vers m'en a sçeu rendre indigne.

    « Et toi de mes travaux glorieux instrument,

    « Mais d'un esprit de glace inutile ornement,

    « Plume jadis vantée, et qui dans cette offense

    « M'as servi de parade et non pas de défense,

    « Va, quitte désormais le dernier des humains,

    « Passe pour me vanger en de meilleures mains.

    « Si Cassaigne a du cœur, et s'il est mon ouvrage,

    « Voici l'occasion de montrer son courage ;

    « Son esprit est le mien, et le mortel affront

    « Qui tombe sur mon chef rejaillit sur son front. »

     

     

    3. Adaptation en images :

    Le Cid : les réécritures.

    • planches de l'adaptation du Cid en bande dessinée par Oliv' et Jean-Louis Mennetrier

    Cliquez sur l'image afin de l'ouvrir dans son format original et faciliter la lecture des bulles. 

     

    Le Cid : les réécritures.

    Le Cid : les réécritures.

     

    Le Cid : les réécritures.

    • Extraits du film d'Anthony Mann avec Charlton Heston et Sophia Loren

     

     

    • Extrait de la série d'animé hispano-japonaise :Rody le petit Cid diffusée en 1982 par TF1 et en 1988 sur M6

    •  Captation de la mise en scène de Thomas le Douarec, rendue flamboyante par le jeu des danses et de la musique flamenco.

    Le Cid : les réécritures.

     

     

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  • L'intrigue :

    Dans l'Espagne du XIe siècle, à Séville, Rodrigue et Chimène, deux jeunes gens de sang noble et appartenant à de grandes familles proches du roi, sont épris l'un de l'autre. Ils doivent s'unir mais une question d'honneur, haut principe inhérent à leur caste, vient bouleverser leurs projets. Don Gomès, père de Chimène, indigné et jaloux  de ne pas avoir été choisi comme précepteur du jeune prince, gifle son rival, le vieux Don Diègue, lors d'une discussion très animée. Celui-ci, humilié mais trop âgé pour se battre en duel, demande à son fils Rodrigue de laver l'offense. Rodrigue est alors placé face à un dilemme : venger l'honneur de son père et, en tuant Don Gomès, perdre sa bien aimée. Ou refuser le duel mais abandonner son père outragé, perdre son estime, sa propre estime...et celle de Chimène. L'Infante, amoureuse de Rodrigue en secret, espère que ce litige éloignera les deux amants l'un de l'autre.

    Présentation de l'oeuvrePrésentation de l'oeuvrePrésentation de l'oeuvre

     

    Rodrigue choisit l'honneur. Ayant vaincu son adversaire, il tente néanmoins de revoir Chimène pour la supplier de le comprendre et de lui pardonner. Il lui offre sa vie. Chimène réclame vengeance auprès du roi, repousse les avances de Don Sanche mais laisse finalement entendre à Rodrigue qu'elle "ne le hait point".

    Mais les Maures attaquent la ville. Rodrigue repousse l'ennemi et sauve le royaume d'une invasion. Vainqueur, il devient un héros célébré dans tout le pays. Son combat victorieux lui confère, de la part des maures qui reconnaissent sa grande valeur, le surnom de "El Cid".

    Cet immense service rendu à la couronne, cette renommée glorieuse inciteront-ils Chimène à plus de clémence? La jeune fille défaille quand le roi lui fait croire que le Cid est mort suite à ses blessures. Pourtant, quand elle apprend la vérité, elle réclame à nouveau justice. Le roi de Castille accepte alors que Don Sanche soit son "champion" et qu'il se batte en duel avec Rodrigue.

    Qui triomphera?

    Présentation de l'oeuvre

      Présentation de l'oeuvrePrésentation de l'oeuvre

     


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  • Un héros, deux auteurs.

    Le Cid: préparation et recherches

    Le Cid: préparation et recherchesLe Cid: préparation et recherches

     

     



     

     

     

     

     

    L'auteur :

    • Rédigez sa bio-bibliographie : Nom, date de naissance et de décès- Oeuvre principales.

    Les Sources :

    • Que signifie le titre :"Le Cid"?
    • Qui est Rodrigo Diaz de Vivar? (Nom francisé : Rodrigue de Bivar). Dans quelle mesure est-il à l'origine du personnage de Corneille? Distinguez l'histoire de la légende.
    • Quel auteur espagnol a , le premier, publié en 1618 une pièce intitulée Las Mocedades del Cid  (Les enfances du Cid),pièce qui a inspiré Corneille?

    Le Contexte :

    • Quels sont les deux mouvements littéraires auxquels est associé Corneille? 
    • Donnez, en plus de leur nom, leurs principales caractéristiques.
    • Que signifie le mot "tragi-comédie", genre attribué par Corneille à sa pièce en 1637?
    • Cherchez des informations sur ce qu'on a appelé "La Querelle du Cid". Sur quoi porte-t-elle et qui en sont les protagonistes?

     


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  • Un livre historique à suspense ...

    Quand Michel de Montaigne était maire de Bordeaux (édifiant!)

    Bordeaux, hiver 1582 :  Philibert, orphelin et apprenti cordonnier se voit confier une commande exceptionnelle : fabriquer une paire de bottes pour un important personnage de la ville. Mais il apprend par un ancien camarade d'orphelinat que les enfants placés en nourrice cet hiver ne mangent pas à leur faim. En compagnie d'un troisième garçon, apprenti imprimeur, ils vont enquêter. Lorsque Philibert découvre que le destinataire des bottes qu'il fabrique n'est autre que Michel de Montaigne, maire de Bordeaux, il va saisir l'occasion de rencontrer le gentilhomme pour lui exposer le sort des enfants trouvés. La suite nous est connue par l'Histoire. Montaigne assigne les jésuites devant la juridiction de la ville. Basé sur une histoire vraie, ce roman restitue l'animation du port de Bordeaux et le lacis des rues anciennes, où l'on croise la figure d'un homme résolument ouvert et tolérant malgré les troubles de son époque :  Montaigne. L'écrivain est ici portraituré dans un rôle méconnu, l'exercice des responsabilités publiques, dans lesquelles il apparut en défenseur des enfants.

    Mariane Fiori, Les Bottes du Gentilhomme, Edition Milathéa.

    http://www.milathea.fr/

     


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