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    Extrêmement érudit,  imaginatif et polyglotte ( il parlait le latin, le grec, l'italien, l'hébreu, l'arabe ainsi que plusieus patois) Rabelais a fait don à la langue française de quantités de mots et d'expressions impérissables et souvent "truculentes", pour paraphraser les célèbres Lagarde et Michard.

    Nous lui devons des termes qu'il aurait emprunté aux autres idiomes ou aux nombreuses sciences qu'il a étudiées, tels que : algèbre, gymnastique, bastion, indigène, frugal, célèbre, escorte...et des expressions devenues proverbiales comme "les moutons de Panurge", " prendre de la bouteille", "l'habit ne fait pas le moine"

    Mais il est aussi l'inventeur du calembour, de l'anagramme, et de la première contrepèterie ( peut-on dire : bien entendu très paillarde) : " à Beaumont le Vicomte".

     

    * Voici un site où vous trouverez nombre de contrepèteries et leurs solutions :

    http://contrepeteries.free.fr/?sort=browse&p=20

    * En voici un autre pour jouer à composer des anagrammes:http://www.anagramme-expert.com


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    Censuré par la parlement pour hérésie, qualifié d'obscène par les théologiens, Rabelais  n'a dû son salut qu'à ses fuites et à quelques protecteurs. 

    En 1543, Rabelais , médecin et prêtre défroqué, retourne dans son "pays de vaches", ce pays de cocagne tout près de Chinon. Il vient se cacher au domicile familial, la Devinière, une importante métairie aux vastes cheminées et aux caves immenses. Il a l'habitude de fuir les théologiens qui ont déjà condamné son oeuvre, ces "cerveaux à bourrelets", "ces géants parasites".

    En 1532, son Pantagruel a subi les foudres de la Sorbonne ; accusé d'obscénité et d'apostasie. Rabelais ne doit son salut qu'à son puissant protecteur, Jean du Bellay, diplomate et évêque de Paris, qui l'emmène avec lui à Rome en tant que médecin.

    Pantagruel se vend néanmoins à plus de 4000 exemplaires, ce qui est considérable pour l'époque. Deux ans plus tard, fort de ce succès, Rabelais publie sans état d'âme l'histoire du père de Pantagruel, La Vie très horrifique du grand Gargantua. Le ton en est aussi léger, parfois grossier, le registre farcesque, hyperbolique. Cependant le contenu ne prête pas à rire : sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais, l'auteur attaque sans mesure les "sorbonnagres" et l'enseignement scolastique qu'ils dispensent, les moines et les juges et bien des institutions. Cette audace survient dans un contexte peu favorable à qui ose défier l'Eglise : l'affaire des placards vient d'avoir lieu, et François 1er a perdu toute bienveillance vis-à-vis de la réforme. La répression est organisée, des bûchers sont élévés à Paris et à Rouen, des centaines d'hérétiques sont bannis.

    Rabelais doit fuir l'hôpital où il travaille et suit Jean du Bellay jusqu'à Rome où, grâce à son protecteur, il obtient l'absolution du pape pour son apostasie ainsi que l'autorisation d'exercer la médecine tout en réintégrant l'ordre des bénédictins. Ses contemporains le considèrent comme l'un des dix meilleurs praticiens au monde. 

    Rabelais est aussi un humaniste en contact avec les plus grands esprits de son époque, qu'il fréquente ou avec lesquels il correspond : Guillaume Budé, Erasme, CLément Marot; ou encore l'herboriste Geoffroy d'Estissac, son premier protecteur, à qui il envoyait depuis l'Italie des  semences inconnues en France, comme les graines de melon, salades, haricots...

    Témoin privilégié de son temps, il évoque dans ses romans la politique et les intrigues de cette première moitié du XVIe siècle. Habile, cultivé, drôle, optimiste, il a su traverser les bouleversements de son époque et les persécussions dont il a été l'objet avec courage et bonne humeur. 

    Mais en 1543, la situation s'est aggravée. On accuse les humanistes d'avoir favorisé l'émergence et l'essor des hérétiques : d'une part, en  prônant le retour direct aux textes antiques, sans passer par les commentaires et traductions de l'Eglise, et d'autre part, en  dénonçant la décadence de l'Eglise romaine avec ses rites et ses superstitions. En 1542, la pape a relancé l'Inquisition contre ces derniers.  François Ier, si bienveillant au départ envers les humanistes et leurs idées nouvelles s'est également placé du côté de la répression : Clément Marot et Robert Estienne ont dû s'exiler à Genève, Erasme et Budé sont morts, Thomas More, l'auteur de Utopia, a été décapité par Henri VIII pour s'être opposé au schisme anglican.

    Et puis, Rabelais est en mauvaise position, personnellement : bien qu'il ait "corrigé" son Gargantua, afin de le rendre moins provocant, le purgeant de ses termes trop subversifs, il figure désormais dans la liste des auteurs interdits. Son éditeur, Etienne Dolet, a pris la liberté de publier le roman sans les modifications apportées par l'auteur. Vaine témérité : il finira sur le bûcher pour avoir bravé une fois de trop la censure!

    Ainsi, l'âge d'or de la Renaissance est en train d'expirer. Mais Rabelais n'a pas dit son dernier mot. Ses interrogations sur le monde demeurent, ainsi que ses réflexions sur le genre humain. Il prend le risque de les exposer dans un nouveau roman : Le Tiers Livre, " ce merveilleux Tiers Livre, le plus riche, le plus beau peut-être" décrétera Anatole France. Rabelais a obtenu un privilège royal pour la publication de son livre ( il aurait soigné le souverain extrêmement malade). Bien qu'il  ait pris la précaution de ne pas s'en prendre, cette fois-ci, explicitement au clergé, Rabelais doit fuir à Metz puis à Rome, car la Sorbonne, inflexible, a de nouveau condamné son ouvrage "farci d'hérésies diverses".

    A Rome, il écrit son dernier ouvrage, Le Quart Livre : tout aussi provocateur que les précédents, il raconte un long périple, sous forme d'odyssée burlesque, à la poursuite de  la "dive bouteille". Ce roman est surtout prétexte à dénoncer une nouvelle fois les moeurs de la papauté mais aussi le " démoniaque Calvin, imposteur de Genève".

    Le Cinquième Livre, inachevé, sera publié dix ans après sa mort.

    En 1552, après la publication du Quart Livre, le buit court qu'il a été emprisonné. 

    En 1553, il meurt, sans doute affaibli par sa détention, dans des circonstances assez mystérieuses.

    Toute sa vie, moine affranchi puis défroqué, écrivain humaniste, paillard et érudit, audacieux et censuré, banni puis de nouveau en grâce auprès du roi, il aura joué une  dangereuse partie de cache-cache avec les autorités.

     

    Rabelais l'insolent

                                                   La Naissance de Gargantua- Gustave Doré

    Sources : d'après un article de Véronique Maurus, publié dans le journal Le Monde, le mardi 22 juillet 2003.


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    Le rire chez Rabelais

    Le rire remplit plusieurs fonctions chez Rabelais :

    - Il est tout d’abord une preuve d’intelligence (seuls les  humains rient en toute conscience), il s’agit d’un don de Dieu.

    - Dans le prologue de Pantagruel, il est considéré comme une consolation, il soulage les malheurs, tant moraux que physiques.

    -Le rire est aussi satirique, moqueur : il permet une satire de l’éducation sophiste, du jargon latinisant des étudiants.

    -Le rire dans Gargantua et Pantagruel est enfin « carnavalesque » (*), dans les  sens où le narrateur se moque de ce qui est sérieux, il ridiculise les puissants (même le pouvoir royal), mais rit aussi de ce que l’on apprécie et de ce que l’on vénère ou adore ( la Vierge Marie, par exemple).

    Cette œuvre est déroutante pour les contemporains de Rabelais mais aussi pour les lecteurs des siècles postérieurs : de nombreux jeux de mots sont incompréhensibles aujourd’hui, de même que les références à des coutumes de l’époque. Il est besoin d’une certaine érudition pour interpréter convenablement ces deux romans.

    - Enfin, le rire correspond-il également à un recul par rapport aux propres convictions de Rabelais : le « programme humaniste » est-il réalisable ? Rabelais ne  le place-t-il pas sur un pied d’égalité avec l’utopie, genre littéraire qui voit le jour au même moment ? 

    (*) Cf. la signification ancienne du carnaval et son héritage des Saturnales antiques : le renversement de l'ordre et l'obscénité : http://www.cosmovisions.com/$Carnaval.htm


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