• Comment parler de la shoah?

    http://www.cclj.be/actu/politique-societe/comment-parler-shoah-enfant

    http://www.francetvinfo.fr/societe/education/comment-parler-de-la-shoah-aujourd-hui_1682539.html

    http://lajoieparleslivres.bnf.fr/masc/integration/JOIE/statique/pages/13_documents/biblio_shoah_essai.pdf

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_romans_sur_la_Shoah#M_

    http://www.laviedesidees.fr/Comment-raconter-la-Shoah.html

    https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2002-1-page-38.htm

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2007/08/08/retrocontroverse-1994-peut-on-representer-la-shoah-a-l-ecran_942872_3232.html

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma_et_Shoah

     

    ATELIER  PEDAGOGIQUE : La Shoah et le cinéma 

    Antoine Germa, professeur agrégé d'histoire, formateur pour l'académie de Créteil

     

    Dans son rapport à l’image, le prof d’histoire parait trop naïf, en particulier dans l’opposition qu’il a tendance à pratiquer entre fiction et  documentaire, en fait inopérante.

    Toute image est construction et doit être interrogée sur :

    -          le contexte cinématographique : auteur, lieu.

    -          le contexte historique de réalisation.

    -          -le genre du film

    Tout film présente un point de vue, répond à des choix esthétiques et (ou) politiques et connaît des contraintes techniques. L’opération centrale étant  le montage, à la fin d’un questionnaire élève on doit absolument demander ce que le réalisateur veut montrer et quel effet est produit sur le spectateur.

    Il s’avère indispensable dans un questionnaire avant de passer à l’analyse de passer par une phase descriptive, souvent délaissée :

    - description des lieux

    - description des personnages, leur aspect physique, leur activité, leur psychologie

    - description du son, de la musique, des bruits, de ce qui est dit dans le film.

     

     

    * CONCERNANT LE RAPPORT CINEMA/SHOAH :

     

    1.   La représentation de la Shoah soulève des problèmes moraux :

    Peut-on la représenter ? Peut-on en faire une fiction ? Que peut-on en montrer ? Pourquoi le cinéma et les images animées jouent un rôle central dans la transmission de la mémoire de la Shoah ? 

    - Ce rapport  repose sur un paradoxe : aucun évènement historique n’a suscité autant d’images que celui-ci  et pourtant la Shoah n’a jamais été filmée (hormis quelques secondes d’un film amateur de Lituanie sur les Einsatzgruppen).

    En effet, la Shoah est à la fois destruction physique  des Juifs d’Europe et destruction de toutes  traces (rappel euphémisation du processus par le vocabulaire, qualifié d’  « éloquence du diable » par H.Arendt) : les nazis des Einsatzgruppen n’avaient pas le droit de photographier, Himmler après sa visite de Treblinka exige que les corps enterrés dans les fosses soient déterrés et  brûlés…

    => L’image animée sur la Shoah ne peut donc être que reconstitution.

     

    1. Toutes les images existantes datent de l’après, de la libération des camps.

    *Les occidentaux n’ont libéré que des camps de concentration, mais le choc de la découverte fut tel que ce sont des grands cinéastes (George Stevens pour Mauthausen, S.Bernstein pour Bergen-Belsen) qui ont filmé, dans un but pédagogique, pour avoir des preuves et pour cela les films  sont composés de longs  plans-séquences, sans montage afin d’écarter toute accusation de manipulation.

    Ces images sont montrées dès mai 45 dans les Actualités Cinématographiques, images chocs de victimes  décharnées, de charniers….Cependant en France dès fin juin 45, certaines scènes trop dures sont censurées.

    *A l’Est où se trouvaient les centres de mise à mort  (mais la plupart avaient été entièrement détruits), les libérateurs soviétiques  n’avaient pas prévu de filmer mais en apprenant l’impact des images occidentales, des équipes sont envoyées 2 mois après à Auschwitz. Les images filmées sont de pures reconstitutions (des déportés « joués » par les paysans locaux). Mais ces images furent utilisées telles quelles même par les occidentaux, montées avec des images de différentes sources. C’est le cas du  film de G. Stevens « Nazi concentration camp » montré lors du Procès de Nuremberg  pour servir de preuve juridique de l’horreur.

    => L’image joue un rôle central comme preuve mais pose  problème. Ainsi les bulldozers de Bergen-Belsen poussant des cadavres sont devenus pour nous des images de la Shoah, qu’elles ne sont pas (Alliés enterrant vite pour éviter le risque d’épidémie)

     

    3° Comment le cinéma utilise-t-il les images ?

    -         le 1er grand film réalisé, en 1955 par A.Resnais, est « Nuit et Brouillard ». Dans le contexte de la guerre d’Algérie, Resnais, dont on avait censuré le dernier film très anticolonialiste,  souhaite  donner à « Nuit et Brouillard » une valeur d’exemplarité par rapport à la guerre d’Algérie.

    Ce film recèle de nombreuses erreurs : 9 M de morts dans les camps, il ne montre pas la spécificité de la Shoah en utilisant une seule fois le mot « juif », en ne distinguant pas entre les différents types de camps, utilise des documents de sources diverses et discutables (films soviétiques par exemple)  Le commentaire de J.Cayrol, un résistant  montre les concurrences mémorielles (juive/résistante).

    -         -Un changement se produit dans les années 60 avec l’entrée dans l’ère de la médiatisation de masse, et le rôle-clé du Procès Eichmann en Israël entièrement filmé. Dès lors la Shoah devient un élément central.

    Le  feuilleton américain « Holocaust » de M.Chomsky en 1977 est vu par  120 millions de spectateurs américains, il provoque une importante polémique, on parle de « Shoah Business », « d’américanisation de la Shoah » ; E.Wiesel dénonce « l’euphémisation de la Shoah » .Les défenseurs du feuilleton   -dont le succès est européen aussi-  mettent en avant le devoir de mémoire, l’objectif pédagogique de celui-ci.

    Certes la perception donnée par le cinéma est en grande partie faussée mais les élèves (et les enseignants) ont  cette vision, cette « culture » de la Shoah ; éviter le cinéma semble donc impossible. Les films se perçoivent comme des  révélateurs.

     

    * PROPOSITION DE TRAVAIL AVEC LES ELEVES SUR 2 EXTRAITS DE FILMS :

    Ce travail est proposé dans le cadre du cours de Terminale sur la « Mémoire de la Shoah » concernant l’ère du témoin

    -         1er extrait tiré  du film Shoah de C.Lanzmann : filmé de 75 à 80 et suivi de 5 ans ( !) de montage, à une époque où l’autobiographie se développe.

    Ce documentaire est mis en scène (éléments à faire relever aux élèves), il ne contient aucune image d’archive, ni image sanglante  (choix fondamental pour le réalisateur, « on ne peut  pas montrer la Shoah ») 

    Cet extrait d’environ 15 mns montre l’interview par le réalisateur d’A.Bomba, ancien Sonderkommando à Treblinka, chargé de couper les cheveux des déportés avant l’entrée dans la chambre à gaz. Cette interview  se déroule dans un salon de coiffure et A.Bomba  fait semblant de couper les cheveux d’un client (élément de mise en scène); la 1ère partie de son récit, très détaillé est faite de façon mécanique, mais lorsque Bomba se met à évoquer l’arrivée de femmes de sa ville d’origine, l’émotion l’arrête, il pleure,  se tait, le réalisateur insiste, zoome sur son visage.

    Cette mise en scène dans un salon de coiffure repose sur le parallélisme (Bomba coiffeur chez les nazis), l’analogie ; de même le salon quasi vide au départ se remplit peu à peu, un effet de masse est ressenti. Le moment-clé est celui où le coiffeur cesse de parler   et que le réalisateur insiste : Il souhaite ainsi évoquer l’impasse pour le survivant, qui « doit » parler et ne peut sortir de ses souvenirs. Le témoin change alors de statut, de « témoin juridique », il devient   « témoin humain », le film se donne pour objectif de ré humaniser le témoin. Ce passage très violent, choque les élèves.

     

    -         - 2ème extrait (à montrer dans la même heure de cours », tiré de « La Liste de Schindler » S.Spielberg 1992. Il   se veut un film historique, est tourné en Noir et Blanc, « recrée des archives », la bureaucratie nazie et son fonctionnement  y  sont  bien représentés. L’extrait, célèbre et très controversé, montre une scène  de douche :

    Description de la scène : un groupe de femmes se déshabille, on leur coupe les cheveux puis elles entrent dans une salle, la lumière s’éteint, elles paniquent et hurlent puis un gros plan est fait sur les douches  dont, finalement sort de l’eau ; soulagées, elles ressortent, habillées et voient un groupe entrer dans un bâtiment et de la fumée sortir d’une cheminée de ce bâtiment.

    La caméra est d’abord avec les femmes puis ressort avec les gardes nazies et revient dans la « salle de douche », procédé de « va et vient » victime/ bourreau, donne un point de vue omniscient.

    Cette scène soulève un problème d’ordre moral , tout est suggéré pour que l’on pense que les femmes vont être gazées, la musique contribue à créer du suspens , le spectateur est manipulé, contraint de s’attendre  (et d’attendre ! ) au gazage des femmes .

    On en revient donc à la question récurrente depuis 45 : peut-on faire de la fiction avec la Shoah ? Recul critique indispensable.

     

     

    VOIR les ouvrages de A.Wieworka « L’ère du témoin » 

     

              De G.Didi-Huberman « Images malgré tout » 


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