• Du mythe à la réalité : comment les "sorcières" sont-elles devenues source de persécution?

     

    - Les Sorcières de Salem- Arthur Miller

    - Les Sorcières d'Eastwick- John Updike

    - La Sorcière- Michelet

    - Macbeth : Shakespeare

    http://causes.centerblog.net/252-les-3-sorcieres-macbeth

    Analyse[modifier | modifier le code]

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    Le Mal[modifier | modifier le code]

     Les Sorcières, prêtresses du Mal[modifier | modifier le code]

    Les 3 sorcières sont les émanations d'un même principe. Le chiffre 3 rappelle les Parques de la mythologie romaine (ou les Moires grecques avant elles) : ces divinités maîtresses de la destinée humaine, de la naissance à la mort, sont généralement représentées comme des fileuses mesurant la vie des hommes et tranchant le destin.Ici, les sorcières jouent sans cesse comme des enfants, entre rite et comptine. Quand la forme est ludique, le fond est plus noir.

    (LES TROIS SORCIÈRES)

    Les Folles Sœurs, main dans la main, 1

    Voyageuses par mer et terre,

    vont alentour à tous chemins ;

    Trois fois pour toi, et trois pour moi,

    Encore trois fois faisant neuf fois.

    Paix ! car le charme va se faire.

    Ces créatures prennent un malin plaisir à commettre le mal. Elles n'agissent que par sadisme, tandis que les Parques antiques sont neutres et dépassionnées. Leurs apparitions sont littérairement informes, déshumanisées, tandis que leur barbe défie les lois de la nature. Shakespeare veut souligner la dimension inhumaine du Mal : le Mal est étranger à l'humanité, dans une optique similaire à celle des futures Lumières.

    Les sorcières prédisent-elles l'avenir ? Par préméditation, elles rencontrent Macbeth afin de lui annoncer qu'il deviendra roi. A-t-on vraiment affaire à une parole prophétique ? En vérité, elles n'ont aucun pouvoir oraculaire, mais voient en Macbeth une possibilité de faire émerger les ténèbres du mal. Le motif de la tentation du personnage éponyme rappelle le motif du serpent biblique : un agent extérieur lance l'action mauvaise.

    Shakespeare utilise dans le texte original les termes de "weird sisters", que l'on peut traduire en français par sœurs folles, étranges, fatales, etc. Pierre Jean Jouve souligne qu'elles sont des "expressions du destin" ; le terme de "Sœurs fatales" est donc bien approprié mais il se permet de traduire par "folles" selon le contexte (le passage ci-dessus provient de sa traduction, édition Flammarion). Dans la mythologie scandinave, on parlerait de Nornes ou de géants (jötunn). Ce point étymologique illustre le génie synthétique de Shakespeare. La folie a une dimension pathologique qui heurte la raison : ces 3 sœurs ont des desseins impénétrables. Macbeth est peut-être un drame du malentendu.

    Dans la troisième scène de l'acte III, Macbeth délègue le crime à 3 personnes comme les 3 sorcières : il concrétise la triple apparition des sœurs dans le monde réel. Il entend reprendre la main sur la domination de la Trinité maléfique : il dirige désormais les 3 meurtriers.

    Macbeth face aux forces du mal[modifier | modifier le code]

    Dans la deuxième scène de l'acte I, le portrait de Macbeth est indirect : c'est principalement par les paroles du Capitaine devant le roi Duncan qu'il s'établit ("Macbeth le brave"). Guerrier loyal et courageux, Macbeth est animé par des idéaux qui dépassent sa simple personne. Le personnage a les traits du héros chevaleresque et valeureux. ; il n'a donc aucune prédisposition à la traîtrise. Mais il reste capable d'une grande violence, ce qui n'est pas sans étonner la capitaine. Homme tout vertueux soit-il, il peut verser le sang ; il s'agira toutefois d'une violence légitime, à des fins héroïques. Le roi Duncan insiste sur le "goût de l'honneur", comme si le meurtre pouvait être honorable. Peut-être doit-on y voir une ironie de la part de Shakespeare à louer un Macbeth barbare. Apparemment, le mal qu'accomplira Macbeth ne semble répondre à aucune nécessité. Tout porte à croie que s'il n'avait pas rencontré les sorcières, il aurait continué de mener une vie de loyal vassal.

    Elles lui révèlent qu'il deviendra seigneur de Cawdor. Il n'est pas vraiment réjoui par la prophétie car elle sous-entend la disparition du roi et cela le navre : "pourquoi dois-je céder à l'idée dont l'image d'honneur hérisse mes cheveux ?", acte I, scène III. Au fond de lui germe sans doute le désir de l'ambition : il a recours à des circonvolutions qui distillent le doute.

    (Macbeth) Si me veut roi Fortune, sans que je bouge, peut me couronner Fortune.

    Il veut conserver son allure héroïque car il ne souhaite pas la mort du roi mais simplement accepter le destin. Il s'agit peut-être plus d'un prétexte que d'une résignation et d'une acceptation de la destinée. Mais par définition une prophétie doit s'accomplir ; Macbeth n'a aucune raison d'assassiner le roi ; il n'a qu'à attendre que le destin advienne. Sa posture d'impartialité est donc plus que discutable. Shakespeare laisse entendre que la vilenie n'est pas un monopole de classe : l'héroïsme de la noblesse, en la personne de Macbeth, est factice.

    (Macbeth, I, VII) Nous n'irons pas plus loin dans cette affaire.

    Il entend se convaincre de se désengager comme si la parole était magique. Il pressent qu'il a beaucoup à perdre dans cette affaire, à moins qu'il ne soit une âme vertueuse luttant sans cesse contre le mal (combat du vice et de la vertu).

    (Sorcière 3, I, III) Très grand salut, Macbeth ! qui plus tard seras roi.

    Le futur confère à la parole une dimension prophétique (ce qui adviendra nécessairement). Macbeth se pose la question de la manière dont la prophétie adviendra. Il répond par la nécessité : en assassinant le roi. Il pèse le pour et le contre, tergiverse ; on retrouve le motif shakespearien de l'hésitation.

    On peut s'étonner qu'il presse le roi chez lui. Duncan tient à rappeler que seul son fils sera roi pour éviter que les vassaux n'aient des envies de pouvoir. Macbeth en sort amer : il pensait que, par gratitude, il succéderait à Duncan. Il se rend compte que la prophétie ne se réalisera pas d'elle-même ; il doit provoquer le destin.

     Lady Macbeth, pourfendeuse des doutes[modifier | modifier le code]

    En Macbeth combattent gratitude et ambition, respect des règles et désir de transgression. Dans l'affaire, il pourra compter sur la détermination indéfectible de son épouse. Lady Macbeth sent que son époux est tiraillé entre le désir et le devoir ; elle sait qu'il n'est pas doué pour l'action. D'un point de vue actanciel, sa tirade est un élément déclencheur. On retrouve ici le topos chrétien de la femme tentatrice qui pervertit l'homme naturellement bon comme Ève envers Adam. Lady Macbeth semble invoquer des esprits maléfiques. Elle entend se détacher de ses attributs de maternité pour devenir un vecteur de cruauté. Elle se métamorphose en homme pour combler les manques de virilité de son époux.

     L'origine du Mal[modifier | modifier le code]

    La plupart des doctrines philosophiques et religieuses de l'époque situaient l'origine du mal dans des forces extérieures qui s'emparaient et corrompaient les âmes. Il semble que le point de vue de Shakespeare soit diamétralement opposé : le mal est en l'homme, comme le ver est dans le fruit, c'est-à-dire inhérent à notre condition.

     

     

    https://sorciereseuropeennes.wordpress.com/2014/04/26/the-weird-sisters-les-etranges-sorcieres-de-shakespeare-dans-macbeth-1603/

     

     

    - Les Métamorphoses- Ovide

    - Préhistoire de la sorcière : https://journals.lib.unb.ca/index.php/flor/article/viewFile/14436/20264

    - Les contes de Grimm

    Bibliothèque de contes  :http://www.instits.vivre-aujourdhui.fr/contes.html

     Bibliothèque Nationale de France : http://expositions.bnf.fr/contes/arret/ingre/indfees.htm

    Mythologie: Médée

    L'Odyssée : Circé

     

    La sorcière dans les séries et au cinéma :

    https://www.lesinrocks.com/2016/06/18/cinema/sorciere-cinema-series-15-dates-cles-11847151/

     


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    Voir les critères d'évaluation et Méthodologie:

    http://lettres-en-ligne.eklablog.com/presenter-un-expose-c28937426

     


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    Journée des Grandes Ecoles et des Classes Préparatoires 

    Samedi 24 novembre lycée CARNOT

     

    Des informations de l’Université de Bourgogne :

    http://lyceens.u-bourgogne.fr/component/k2/l-universite-de-bourgogne-a-votre-rencontre.htm

    dates des forums et salons auxquels l'uB participera en 2018-2019.

     

    Pour les élèves de terminales, en particulier, la JPO du 6 février 2019 et les cours ouverts du 25 février au 1er mars 2019.

    Détails de la JPO pour permettre aux élèves de visiter les locaux de l'uB sur ses différents sites et de découvrir les formations, le processus d'inscription, les logements, la restauration et la vie étudiante.

     

        Dijon (campus universitaire) : 6 février 2019

        Dijon (ESPE/MEEF rue Charles Dumont) : 7 février 2019

        Auxerre (IUT) : 9 février 2019

        Auxerre (ESPE/MEEF) : 9 mars 2019

        Chalon-sur-Saône (IUT + ESPE/MEEF) : 9 février 2019

        Le Creusot (IUT + Centre Condorcet (AES, STAPS, Sciences et Techniques) : 9 mars 2019

        Mâcon (ESPE/MEEF) : 9 mars 2019

        Nevers (UFR Droit) : 2 février 2019

        Nevers (ESPE/MEEF) : 9 mars 2019

        Nevers (ISAT) : 2 mars 2019

     


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  • La belle au bois dormant : Charles Perrault (version intégrale)

     

    La Belle au bois dormant de Perrault



       Il était une fois un Roi et une Reine, qui étaient si fâchés de n'avoir point d'enfants, si fâchés qu'on ne saurait dire. Ils allèrent à toutes les eaux du monde; vœux, pèlerinages, menues dévotions, tout fut mis en oeuvre, et rien n'y faisait. Enfin pourtant la Reine devint grosse, et accoucha d'une fille: on fit un beau Baptême; on donna pour Marraines à la petite Princesse toutes les Fées qu'on pût trouver dans le Pays (il s'en trouva sept), afin que chacune d'elles lui faisant un don, comme c'était la coutume des Fées en ce temps-là, la Princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables.

    La Belle au bois dormant de Perrault

       Après les cérémonies du Baptême toute la compagnie revint au Palais du Roi, où il y avait un grand festin pour les Fées. On mit devant chacune d'elles un couvert magnifique, avec un étui d'or massif, où il y avait une cuiller, une fourchette, et un couteau de fin or, garni de diamants et de rubis. Mais comme chacun prenait sa place à table, on vit entrer une vieille Fée qu'on n'avait point priée parce qu'il y avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une Tour et qu'on la croyait morte, ou enchantée. Le Roi lui fit donner un couvert, mais il n'y eut pas moyen de lui donner un étui d'or massif, comme aux autres, parce que l'on n'en avait fait faire que sept pour les sept Fées. La vieille crut qu'on la méprisait, et grommela quelques menaces entre ses dents. Une des jeunes Fées qui se trouva auprès d'elle l'entendit, et jugeant qu'elle pourrait donner quelque fâcheux don à la petite Princesse, alla dès qu'on fut sorti de table se cacher derrière la tapisserie, afin de parler la dernière, et de pouvoir réparer autant qu'il lui serait possible le mal que la vieille aurait fait.

    La Belle au bois dormant de Perrault

     
       Cependant les Fées commencèrent à faire leurs dons à la Princesse. La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle personne du monde, celle d'après qu'elle aurait de l'esprit comme un Ange, la troisième qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait, la quatrième qu'elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu'elle chanterait comme un Rossignol, et la sixième qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments dans la dernière perfection. Le rang de la vieille Fée étant venu, elle dit, en branlant la tête encore plus de dépit que de vieillesse, que la Princesse se percerait la main d'un fuseau, et qu'elle en mourrait.

    La Belle au bois dormant de Perrault

       Ce terrible don fit frémir toute la compagnie, et il n'y eût personne qui ne pleurât. Dans ce moment la jeune Fée sortit de derrière la tapisserie, et dit tout haut ces paroles: "Rassurez-vous, Roi et Reine, votre fille n'en mourra pas; il est vrai que je n'ai pas assez de puissance pour défaire entièrement ce que mon ancienne a fait. La Princesse se percera la main d'un fuseau; mais au lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au bout desquels le fils d'un Roi viendra la réveiller."
       Le Roi, pour tâcher d'éviter le malheur annoncé par la vieille, fit publier aussitôt un Edit, par lequel il défendait à toutes personnes de filer au fuseau, ni d'avoir des fuseaux chez soi sur peine de la vie. 
       Au bout de quinze ou seize ans, le Roi et la Reine étant allés à une de leurs Maisons de plaisance, il arriva que la jeune Princesse courant un jour dans le Château, et montant de chambre en chambre, alla jusqu'au haut d'un donjon dans un petit galetas, où une bonne Vieille était seule à filer sa quenouille. Cette bonne femme n'avait point oui parler des défenses que le Roi avait faites de filer au fuseau.
    "Que faites-vous là, ma bonne femme? dit la Princesse.
    - Je file, ma belle enfant, lui répondit la vieille qui ne la connaissait pas.
    - Ah! que cela est joli, reprit la Princesse, comment faites-vous? donnez-moi que je voie si j'en ferais bien autant."         Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'Arrêt des Fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie.
     
    La Belle au bois dormant de Perrault
     
    La Belle au bois dormant de Perrault
     La Belle au bois dormant de Perrault
     
     
     
     
     
       La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours: on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la Princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les temples avec de l'eau de la Reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir. Alors le Roi, qui était monté au bruit, se souvint de la prédiction des Fées, et jugeant bien qu'il fallait que cela arrivât, puisque les Fées l'avaient dit, fit mettre la Princesse dans le plus bel appartement du Palais, sur un lit en broderie d'or et d'argent. On eût dit d'un Ange, tant elle était belle; car son évanouissement n'avait pas ôté les couleurs vives de son teint: ses joues étaient incarnates, et ses lèvres comme du corail; elle avait seulement les yeux fermés, mais on l'entendait respirer doucement, ce qui faisait voir qu'elle n'était pas morte. Le Roi ordonna qu'on la laissât dormir en repos, jusqu'à ce que son heure de se réveiller fût venue.
       La bonne Fée qui lui avait sauvé la vie, en la condamnant à dormir cent ans, était dans le Royaume de Mataquin, à douze mille lieues de là, lorsque l'accident arriva à la Princesse; mais elle en fut avertie en un instant par un petit Nain, qui avait des bottes de sept lieues (c'était des bottes avec lesquelles on faisait sept lieues d'une seule enjambée). La Fée partit aussitôt, et on la vit au bout d'une heure arriver dans un chariot tout de feu, traîné par des dragons.
       Le Roi lui alla présenter la main à la descente du chariot. Elle approuva tout ce qu'il avait fait; mais comme elle était grandement prévoyante, elle pensa que quand la Princesse viendrait à se réveiller, elle serait bien embarrassée toute seule dans ce vieux Château: voici ce qu'elle fit. Elle toucha de sa baguette tout ce qui était dans ce Château (hors le Roi et la Reine), Gouvernantes, Filles d'Honneur, Femmes de Chambre, Gentilshommes, Officier, Maîtres d'Hôtel, Cuisiniers, Marmitons, Galopins, Gardes, Suisses, Pages, Valets de pied; elle toucha aussi tous les chevaux qui étaient dans les Ecuries, avec les Palefreniers, les gros mâtins de basse-cour, de la petite Pouffe, petite chienne de la Princesse, qui était auprès d'elle sur son lit. Dès qu'elle les eut touchés, ils s'endormirent tous, pour ne se réveiller qu'en même temps que leur Maîtresse, afin d'être tout prêts à le servir quand elle en aurait besoin; les broches mêmes qui étaient au feu toutes pleines de perdrix et de faisans s'endormirent, et le feu aussi.
     

    La Belle au bois dormant de Perrault

    La Belle au bois dormant de Perrault

     
     
       Tout cela se fit en un moment; les Fées n'étaient pas longues à leur besogne. Alors le Roi et la Reine, après avoir baisé leur chère enfant sans qu'elle s'éveillât, sortirent du Château, et firent publier des défenses à qui que ce soit d'en approcher. Ces défenses n'étaient pas nécessaires, car il crût dans un quart d'heure tout autour du parc une si grande quantité de grands arbres et de petits, de ronces et d'épines entrelacées les unes dans les autres, que bête ni homme n'y aurait pu passer: en sorte qu'on ne voyait plus que le haut des Tours du Château, encore n'était-ce que de bien loin. On ne douta point que la Fée n'eût encore fait là un tour de son métier, afin que la Princesse, pendant qu'elle dormirait, n'eût rien à craindre des Curieux.
       Au bout de cent ans, le Fils du Roi qui régnait alors, et qui était d'une autre famille que la Princesse endormie, étant allé à la chasse de ce côté-là, demanda ce que c'était que des Tours qu'il voyait au-dessus d'un grand bois fort épais; chacun lui répondit selon qu'il en avait ouï parler. Les uns disaient que c'était un vieux Château où il revenait des Esprits; les autres que tous les Sorciers de la contrée y faisaient leur sabbat. La plus commune opinion était qu'un Ogre y demeurait, et que là il emportait tous les enfants qu'il pouvait attraper, pour les pouvoir manger à son aise, et sans qu'on le pût suivre, ayant seul le pouvoir de se faire un passage au travers du bois. Le Prince ne savait qu'en croire, lorsqu'un vieux Paysan prit la parole, et lui dit:
    "Mon Prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai ouï dire à mon père qu'il y avait dans ce Château une Princesse, la plus belle du monde; qu'elle y devait dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un Roi, à qui elle était réservée."
     

    La Belle au bois dormant de Perrault

     
     
     
     
    Le jeune Prince, à ce discours, se sentit tout de feu; il crut sans balancer qu'il mettrait fin à un si belle aventure; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qui en était.
       A peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'elles-mêmes pour le laisser passer: il marche vers le Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin: un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte: c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses, qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses où il y avait encore quelques gouttes de vin montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des Gardes qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflants de leur mieux.
     
     La Belle au bois dormant de PerraultLa Belle au bois dormant de PerraultIl traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes et de Dames, dormants tous, les uns debout, les autres assis; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu: une Princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle.
       Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s'éveilla; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre:
    "Est-ce vous, mon Prince? lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre."
     

    La Belle au bois dormant de Perrault

    Le Prince charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage; peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'Histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne Fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire. 

       Cependant tout le Palais s'était réveillé avec la Princesse; chacun songeait à faire sa charge, et comme ils n'étaient pas tous amoureux, ils mouraient de faim; la Dame d'honneur, pressée comme les autres, s'impatienta, et dit tout haut à la Princesse que la viande était servie. Le Prince aida à la Princesse à se lever; elle était tout habillée et fort magnifiquement; mais il se garda bien de lui dire qu'elle était habillée comme ma mère-grand, et qu'elle avait un collet monté; elle n'en était pas moins belle.
       Ils passèrent dans un Salon de miroirs, et y soupèrent, servis par les Officiers de la Princesse; les Violons et les Hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiqu'il y eût près de cent ans qu'on ne les jouât plus; et après soupé, sans perdre de temps, le grand Aumônier les maria dans la Chapelle du Château, et la Dame d'honneur leur tira le rideau: ils dormirent peu, la Princesse n'en avait pas grand besoin, et le Prince la quitta dès le matin pour retourner à la Ville, où son Père devait être en peine de lui.
       Le Prince lui dit qu'en chassant il s'était perdu dans la forêt, et qu'il avait couché dans la hutte d'un Charbonnier, qui lui avait fait manger du pain noir et du fromage. Le Roi son père, qui était bon homme, le crut, mais sa Mère n'en fut pas bien persuadée, et voyant qu'il allait presque tous les jours à la chasse, et qu'il avait toujours une raison en main pour s'excuser, quand il avait couché deux ou trois nuits dehors, elle ne douta plus qu'il n'eût quelque amourette: car il vécut avec la Princesse plus de deux ans entiers, et en eut deux enfants, dont le premier, qui fut une fille, fut nommée l'Aurore, et le second un fils, qu'on nomma le Jour, parce qu'il paraissait encore plus beau que sa sœur.
     

    La Belle au bois dormant de Perrault

     
     
       La Reine dit plusieurs fois à son fils, pour le faire expliquer, qu'il fallait se contenter dans la vie, mais il n'osa jamais se fier à elle de son secret; il la craignait quoiqu'il l'aimât, car elle était de race Ogresse, et le Roi ne l'avait épousée qu'à cause de ses grands biens; on disait même tout bas à la Cour qu'elle avait les inclinations des Ogres, et qu'en voyant passer de petits enfants, elle avait toutes les peines du monde à se retenir de se jeter sur eux; ainsi le Prince ne voulut jamais rien dire. Mais quand le Roi fut mort, ce qui arriva au bout de deux ans, et qu'il se vit le maître, il déclara publiquement son Mariage, et alla en grande cérémonie quérir la Reine sa femme dans son Château. On lui fit une entrée magnifique dans la Ville Capitale, où elle entra au milieu de ses deux enfants.
       Quelque temps après le Roi alla faire la guerre à l'Empereur Cantalabutte son voisin. Il laissa la Régence du Royaume à la Reine sa mère, et lui recommanda fort sa femme et ses enfants: il devait être à la guerre tout l'Eté, et dès qu'il fut parti, la Reine-Mère envoya sa Bru et ses enfants à une maison de campagne dans les bois, pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla quelques jours après, et dit un soir à son Maître d'Hôtel:
    "Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore.
    - Ah! Madame, dit le Maître d'Hôtel.
    - Je le veux, dit la Reine (et elle le dit d'un ton d'Ogresse qui a envie de manger de la chair fraîche), et je la veux manger à la Sauce-robert."
    Ce pauvre homme voyant bien qu'il ne fallait pas se jouer à une Ogresse, prit son grand couteau, et monta à la chambre de la petite Aurore: elle avait pour lors quatre ans, et vint en sautant et en riant se jeter à son col, et lui demander du bonbon. Il se mit à pleurer, le couteau lui tomba des mains, et il alla dans la basse-cour couper la gorge à un petit agneau, et lui fit une si bonne sauce que sa Maîtresse l'assura qu'elle n'avait jamais rien mangé de si bon. Il avait emporté en même temps la petite Aurore, et l'avait donnée à sa femme pour la cacher dans le logement qu'elle avait au fond de la basse-cour.
       Huit jours après la méchante Reine dit à son Maître d'Hôtel:
    - "Je veux manger à mon souper le petit Jour."
    Il ne répliqua pas, résolu de la tromper comme l'autre fois; il alla chercher le petit Jour, et le trouva avec un petit fleuret à la main, dont il faisait des armes avec un gros Singe; il n'avait pourtant que trois ans. Il le porta à sa femme qui le cacha avec la petite Aurore, et donna à la place du petit Jour un petit chevreau fort tendre, que l'Ogresse trouva admirablement bon. 
       Cela était fort bien allé jusque-là; mais un soir cette méchante Reine dit au Maître d'Hôtel: "Je veux manger la Reine à la même sauce que ses enfants."
       Ce fut alors que le pauvre Maître d'Hôtel désespéra de la pouvoir encore tromper. La jeune Reine avait vingt ans passés, sans compter les cent ans qu'elle avait dormi: sa peau était un peu dure, quoique belle et blanche; et le moyen de trouver dans la Ménagerie une bête aussi dure que cela? Il prit la résolution, pour sauver sa vie, de couper la gorge à la Reine, et monta dans sa chambre, dans l'intention de n'en pas faire à deux fois; il s'excitait à la fureur, et entra le poignard à la main dans la chambre de la jeune Reine. Il ne voulut pourtant point la surprendre, et il lui dit avec beaucoup de respect l'ordre qu'il avait reçu de la Reine-Mère.
    "Faites votre devoir, lui dit-elle, en lui tendant le col; exécutez l'ordre qu'on vous a donné; j'irai revoir mes enfants, mes pauvres enfants que j'ai tant aimés"; car elle les croyait morts depuis qu'on les avait enlevés sans lui rien dire. "Non, non, Madame, lui répondit le pauvre Maître d'Hôtel tout attendri, vous ne mourrez point, et vous ne laisserez pas d'aller revoir vos chers enfants, mais ce sera chez moi où je les ai cachés, et je tromperai encore la Reine, en lui faisant manger une jeune biche en votre place."
       Il la mena aussitôt à sa chambre, où la laissant embrasser ses enfants et pleurer avec eux, il alla accommoder une biche, que la Reine mangea à son soupé, avec le même appétit que si c'eût été la jeune Reine. Elle était bien contente de sa cruauté, et elle se préparait à dire au Roi, à son retour, que les loups enragés avaient mangé la Reine sa femme et ses deux enfants. 

       Un soir qu'elle rôdait à son ordinaire dans les cours et basses-cours du Château pour y halener quelque viande fraîche, elle entendit dans une salle basse le petit Jour qui pleurait, parce que la Reine sa mère le voulait faire fouetter, à cause qu'il avait été méchant, et elle entendit aussi la petite Aurore qui demandait pardon pour son frère. L'Ogresse reconnut la voix de la Reine et de ses enfants, et furieuse d'avoir été trompée, elle commande dès le lendemain au matin, avec une voix épouvantable qui faisait trembler tout le monde, qu'on apportât au milieu de la cour une grande cuve, qu'elle fit remplir de crapauds, de vipères, de couleuvres et de serpents, pour y faire jeter la Reine et ses enfants, le Maître d'Hôtel, sa femme et sa servante: elle avait donné ordre de les amener les mains liées derrière le dos. Ils étaient là, et les bourreaux se préparaient à les jeter dans la cuve, lorsque le Roi, qu'on n'attendait pas si tôt, entra dans la cour à cheval; il était venu en poste, et demanda tout étonné ce que voulait dire cet horrible spectacle; personne n'osait l'en instruire, quand l'Ogresse, enragée de voir ce qu'elle voyait, se jeta elle-même la tête la première dans la cuve, et fut dévorée en un instant par les vilaines bêtes qu'elle y avait fait mettre. Le Roi ne laissa pas d'en être fâché: elle était sa mère; mais il s'en consola bientôt avec sa belle femme et ses enfants. 

    MORALITE 

    Attendre quelque temps pour avoir un Epoux, 
    Riche, bien fait, galant et doux, 
    La chose est assez naturelle,
    Mais l'attendre cent ans, et toujours en dormant, 
    On ne trouve plus de femelle, 
    Qui dormît si tranquillement. 

    La Fable semble encor vouloir nous faire entendre, 
    Que souvent de l'Hymen les agréables nœuds, 
    Pour être différés, n'en sont pas moins heureux,
    Et qu'on ne perd rien pour attendre; 
    Mais le sexe avec tant d'ardeur, 
    Aspire à la foi conjugale, 
    Que je n'ai pas la force ni le cœur, 
    De lui prêcher cette morale. »·
     

    La Belle au bois dormant de Perrault



    La Belle au bois dormant, Charles Perrault, ill. John Collier – Grasset (Monsieur Chat) 12,10€

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