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    À une heure du matin – Baudelaire, in Le Spleen de Paris

    - 50 poèmes édités à titre posthume en 1869, publiés auparavant dans des revues

    - Prose poétique inspirée par l’ouvrage d’Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, dont Baudelaire admire le style et les motifs fantastiques. Ce recueil aborde de nombreux registres et des thèmes variés, tous inspirés par la capitale ; certains poèmes sont emprunts d’onirisme et de spiritualité, d’autres appellent à une réflexion sur la nature humaine ou sur la misère, aussi bien morale que sociale. Certains tendent à l’Idéal, d’autres au  spleen, comme dans Les Fleurs du Mal.

    - Ce poème traduit le malaise du poète au milieu de ses semblables et son irrémédiable tension entre le spleen et l’idéal.

    Pb : Comment ce poème exprime-t-il  l’aspiration du poète à la rédemption? (concept religieux ou moral : fait de se racheter, de racheter ses fautes ou ses péchés).

     

    Tout d’abord, le poète procède à une introspection qui se révèle être celle d’un misanthrope. En effet, il aspire à la solitude et désire s’isoler totalement du monde. Il nous fait part du soulagement de se retrouver seul chez lui, à une heure du matin, dans le calme et l’obscurité, en exprimant de façon hyperbolique sa haine de la ville et l’épuisement  qu’elle lui procure, ainsi que le dégoût que lui inspire la société. Après avoir brossé un portrait péjoratif de l’être humain, aussi bien de lui-même que des autres hommes, il cherche la rédemption : la poésie en est l’unique moyen, elle seule est une échappatoire à la médiocrité et au spleen.

     

    I- L’introspection d’un misanthrope :

    1) Une aspiration à la solitude :

    - soulagement : anaphore Enfin !  (3 fois) = insistance + Exclamation

    - champ lexical mélioratif de la solitude : posséder le silence (= le faire sien), métaphore se délasser dans un bain de ténèbres…= échapper au bruit et au mouvement, en s’isolant dans l’obscurité.

    2) Un désir d’isolement total :

    - enfermement : un double tour de serrure, métaphore : ce tour de clé fortifiera les barricades qui me séparent du monde = image puissante d’une place forte imprenable, vœu d’être coupé du monde.

    - vision péjorative du monde extérieur :                                                   

    ·         Idée d’épuisement : hypallage (ou métonymie) fiacres attardés et éreintés, désir de repos (l.3).

    ·         Expression de la souffrance et de la haine : la tyrannie de la face humaine, je ne souffrirai plus que par moi-même + hyperbole : Horrible ville ! Horrible ville ! Lexique fort + répétition.

     

    II- Un tableau pessimiste de l’être humain :

    1) Un récapitulatif des rencontres de  la journée : une galerie de personnages médiocres.

    - énumération qui correspond bien au monde fréquenté par Baudelaire : plusieurs hommes de lettres (9), le directeur d’une revue (11), un directeur de théâtre (16), une « sauteuse » (15) .

    - effet d’accumulation qui rend ces rencontres oppressantes : par la succession de points-virgules, par l’expression de pluriel ou de quantités, comme plusieurs hommes de lettres, une vingtaine de personnes, des poignées de main dans la même proportion. + Exclamation finale : ouf ! est-ce bien fini ? (21)

    - portrait satirique de tous ces gens  (avantage de la prose : insertion du langage familier et discours direct) le directeur de la revue est suffisant et arrogant (11,12), l’homme de lettres est ignorant (10), la sauteuse est superficielle (15), le directeur de théâtre est méprisant et insultant (16 à 18).

    2) la vacuité de l’existence :

    - activités qui semblent répétitives,  tout est du pareil au même : des  parallélismes de structure  accentuent l’effet répétitif  (nom +pronom relatif qui + proposition au passé): le directeur d’une revue qui à chaque objection répondait/ chez une sauteuse qui m’a prié de lui dessiner…/ un directeur de théâtre qui m’a dit en me congédiant… 

    - agitation stérile  du poète lui-même: la construction avoir suivi d’un participe  passé : avoir vu/avoir disputé, avoir distribué, avoir salué…+ expressions qui indiquent l’inutilité de tout cela : dont quinze me sont inconnues, pour tuer le temps, m’être vanté (pourquoi ?)…

    3) un autoportrait sans concession :

    L’artiste en société est aussi horrible que les autres, comme s’il était contaminé ;

    - mépris des autres : distribuer des poignées de main sans avoir pris la précaution d’acheter des gants (14), crime de respect humain (20) ceux que je méprise ( 26)

    - vantardise : m’être vanté(18), délit de fanfaronnade(20)

    - lâcheté : avoir lâchement nié quelques autres méfaits (19)

    - comportement absurde, irrationnel et sans scrupules, marqué par un chiasme antithétique : avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle (20,21).

    - Complaisance à évoquer ses mauvais côtés : champ lexical du crime, ci-dessus en bleu + vilaines actions (19)

     

    III- L’Art : une  échappatoire au spleen

    1) l’expression d’un repentir dans le dernier paragraphe

    - regret : parallélisme de structure,  Mécontent de tous et mécontent de moi.(22)

    - vocabulaire religieux du mea culpa : (la faute, le péché) Je voudrais bien me racheter (22), Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce (25)

    - invocation des esprits bénéfiques : anaphore et parallélisme de structure, comme une incantation : Âmes de ceux que j’ai aimés, âmes de ceux que j’ai chantés

    - purification : fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde : rythme ternaire.

    2) la rédemption par l’art :

    (La rédemption est le rachat du genre humain par le sacrifice du christ)

    - le poète veut se réhabiliter à ses propres yeux : m’enorgueillir (22) (opposé à l’idée de mépris des autres et de lui-même qui précède)

    - ambiance propice à l’inspiration, loin du tumulte : dans le silence et la solitude de la nuit (23)

    - par la poésie : deux dernières lignes, comme une chute : la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier  des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise !

     

    Ouverture : La Muse vénale ou l’Albatros

     

     

    À une heure du matin

      Enfin ! seul ! On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même.
      Enfin ! il m’est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres ! D’abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.

      Horrible vie ! Horrible ville ! Récapitulons la journée : avoir vu plusieurs hommes de lettres, dont l’un m’a demandé si l’on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île) ; avoir disputé généreusement contre le directeur d’une revue, qui à chaque objection répondait : « — C’est ici le parti des honnêtes gens, » ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins ; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues ; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d’acheter des gants ; être monté pour tuer le temps, pendant une averse, chez une sauteuse qui m’a prié de lui dessiner un costume de Vénustre ; avoir fait ma cour à un directeur de théâtre, qui m’a dit en me congédiant : « — Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z… ; c’est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs, avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose. Voyez-le, et puis nous verrons ; » m’être vanté (pourquoi ?) de plusieurs vilaines actions que je n’ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j’ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain ; avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle ; ouf ! est-ce bien fini ?

      Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m’enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Âmes de ceux que j’ai aimés, âmes de ceux que j’ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde, et vous, Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise !

    LA. À une heure du matin

     

     

     

     

     


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  • Classe inversée : La modernité en Poésie

    ·         Par définition, s’oppose à ce qui est considéré comme « ancien », « classique » ou « traditionnel ».

    ·         On peut considérer que « la modernité »  en poésie apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec des poètes comme Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Gautier, puis Apollinaire et d’autres poètes du XXe siècle. Mais ce concept existe également en peinture : Courbet, Manet, Monet,  Cézanne ou Pissarro en sont l’exemple.

    1)  Qu’est-ce que la modernité pour les peintres et les poètes ? Dégagez une idée principale dans chacune de ces pages :

    - Lecture cursive  Manuel Français Littérature Nathan : pp. 330, 344, 350 (+ exemple du tableau p. 351), p. 362, 368, 385, 408 et 409.

    - Feuilletez ou relisez le corpus Peut-on parler de tout en poésie ? et relisez le poème Marie d’Apollinaire, qui figure en prolongement de votre groupement de textes pour l’oral du bac.

    2) Synthèse :

    - Quelles sont les nouveautés apportées sur la forme (pour chacune d’elle, donnez un exemple) ?

    - Quels sont les nouveaux thèmes abordés ?

     

     

     


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    Etude d’une œuvre complète : Le Dieu du Carnage, Yasmina Reza

    Le Titre :

    Carnage = Massacre violent et sanglant de nombreuses personnes ; tuerie de nombreux animaux ; boucherie : Le responsable du carnage est en fuite. 

    Le Dieu : Au singulier ou au pluriel, avec une minuscule, et un féminin déesse) Dans les religions polythéistes, être supérieur doué d'un pouvoir surnaturel sur les hommes ; divinité : Les dieux des Romains.

    Un être supérieur, surnaturel, qui aurait le pouvoir de provoquer un massacre, une tuerie sanglante?  

    Personnages : classe moyenne supérieure, intellectuelle, plutôt bcbg.

    • Véronique Houllié, écrivaine et travaille à mi-temps dans une librairie d'art et d'histoire. Cultivée, s'intéresse aussi aux causes humanitaires.
    • Michel Houllié , grossiste en articles ménagers, d'abord en retrait par rapport à sa femme.
    • Annette Reille, conseillère en gestion de patrimoine. Sur la défensive dans un premier temps, mais, en tant que mère du "coupable", cherchant à faire bonne figure et amende honorable. 
    • Alain Reille : avocat, plaide une affaire à la Cour pénale internationale, où il défend contre toute morale une entreprise pharmaceutique corrompue . Sans cesse pendu à son téléphone portable, souvent ironique et surtout agacé par cette rencontre à laquelle il participe pour complaire à sa femme. 

     

    Sujet : Au départ, une histoire banale : tentative de conciliation  entre deux couples dont les enfants se sont battus. L’un a agressé l’autre avec un bâton, et lui a cassé deux dents. Les enfants, « ces petits dieux » sont-ils à l’origine du carnage ? La bagarre a-t-elle des conséquences plus importantes ?

    Au début de l'intrigue, dans l'exposition, les parents tentent de s’entendre en tant que personnes adultes, responsables, éduquées, civilisées. Mais la discussion s’envenime, le ton monte, monte crescendo, et tout le vernis des conventions sociales et des règles bien policées craque. La violence qu’ils étaient là pour condamner affleure soudain chez chacun d’entre eux : ce qui devait être une réunion d’entente pour dresser un constat se transforme en un règlement de compte impitoyable ! Chassez le naturel, il revient au galop…

    Thèmes : solitude des êtres (en couple et en société), l’inadaptation au bonheur, dépeçage des conventions, remise en cause de la pensée correcte, satire d’une société moderne en mal de communication et/ ou de valeurs… Qu’est-ce qui est « bien » ? Qu’est-ce qui est « normal » ? Qu’est-ce qui est « correct » ? Opposition entre altruistes et individualistes, entre intérêt financier et humanisme.

    Étude transversale de la pièce

    Affiche du film :

    ·         Les deux couples apparaissent symétriquement de chaque côté du titre « carnage ». Cette disposition marque déjà les antagonismes.

    ·         Comme dans un tableau de mots croisés, l’affiche peut se lire et s’interpréter verticalement ou horizontalement :

    - de gauche à droite, chaque personnage évolue du sourire (civilisé) à la brutalité (animale)

    - de haut en bas, le paradigme montre que tous les personnages sont permutables (ce que confirment les couleurs) malgré leurs différences : ils appartiennent tous à un moment donné à la même « famille », à la même apparence : d’abord souriants, puis l’on perçoit le « naturel » affleurer, les visages abandonnent leur expression conventionnelle de satisfaction, et enfin, la brutalité explose, elle transgresse l’interdit et traverse les couches souterraines pour s’exprimer au grand jour.

    - en coupe transversale,  de bas en haut, chaque personnage exprime graduellement l'une de ces étapes

     

    Étude transversale :

    1. Les personnages et leur attitude face à la vie :

    - Quel rapport peut-on établir entre la profession de chacun, son caractère et son comportement ?

    - Quels sont les antagonismes entre les deux  familles?

    - Qu'est-ce qui  oppose les personnages à l'intérieur de chaque couple?

    - Quelles  valeurs chacun des personnages défend-il ? quels sont ses arguments ? Pourquoi la situation dégénère-t-elle ?

    - Qu’est-ce qui relève de la nature ? de la culture ? de la morale ?

     

    2. Le lieu :

    - un huis clos : quelle est la puissance du huis clos ? Que permet-il au niveau de l’intrigue ? De la mise en scène ? ( huis = porte, ouverture ; huis clos : porte fermée, lieu privé... lieu où l'on est enfermé?)

    - en quoi est-ce important que la scène se déroule chez les Houillé ?

    - quels éléments (personnalité, classe sociale…) le décor doit-il mettre en valeur ? Si vous étiez metteur en scène, quelles instructions donneriez-vous au décorateur et au scénographe ?

    - comment mettre en scène la didascalie initiale : Règne une atmosphère grave, cordiale et tolérante?

    - le hors scène : quels « personnages » non présents sur scène interviennent dans l’histoire ?  Quelle sont leur fonction dans l’intrigue ? En quoi peuvent-ils accentuer l’effet « huis clos » ?

     

    3. La parole :

    - La parole est-elle distribuée équitablement : entre les quatre personnages ? À l’intérieur de chaque couple ?

    - À quoi les nombreux "flottements" correspondent-ils?

     

    4. Les conflits :

    -  Ils sont essentiellement binaires  et se démultiplient au fur et à mesure que  progresse  la pièce: relevez les conflits qui opposent les personnages entre  eux.

    - À la fin de la pièce, les conflits sont-ils résolus ?

     


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    Voici un excellent corrigé concocté avec efficacité et précision par ma collègue, Mme Grandjean. 

    Je vous le propose avec son autorisation.

    COMPTE-RENDU DU BAC BLANC 1 « Leçons comiques »

     

    CORPUS

    Quelques rappels de méthode :

    • Il faut présenter les textes (auteur, titre, époque) mais aussi leur point commun, ce qui les réunit : ici, il faut dire que ce sont des leçons comiques, ou l’équivalent (NB : Au bac le corpus ne porte pas de titre)
    • Fin de l’intro : formuler la question
    •  Développement : 1 § = 1 idée, justifiée par plusieurs textes (et pas  1§ = 1 texte)

     

    Sujet :

    ·         « En quoi » = comment, par quels procédés donc raconter ce qui se passe dans chaque extrait ou étudier les critiques véhiculées par les textes=  Hors-sujet :

    • Il faut une analyse précise, basée sur des citations analysées

     

    INVENTION

    Attention à l’analyse du sujet !:

    • « un Monsieur Jourdain » : ne pas reprendre le même personnage, mais un équivalent, un personnage du même type (cherchant à s’élever socialement mais naïf, stupide)
    • « contemporain »  = d’aujourd’hui ! donc il ne faut pas de personnage qui veut rentrer à la cour du roi ! … mais trouver un équivalent actuel d’ascension sociale. Sinon = hors-sujet !
    • « vous pourrez utiliser certains procédés comiques présents dans les textes du corpus » ne veut pas dire recopier les phases du texte, mais s’inspirer des procédés dégagés dans la question sur corpus. Sinon = plagiat !

     

    DISSERTATION

    Attention au sujet !:

    • il faut se limiter aux exemples comiques (parler de tragédies est hors-sujet, sauf pour des contre-exemples)
    • les arguments doivent également bien être reliés au registre comique. Par exemple, dire que l’on s’identifie plus aux personnages dans une comédie, que ce genre reflète la réalité, n’est pas vraiment lié aux aspects comiques de ces pièces…

     

    Rappels de méthode :

    • chaque sous-partie = 1 idée, développée  et illustrée par un ou plusieurs exemples (et non 1 sous-partie = 1 exemple !)
    • les exemples n’ont aucune valeur s’ils ne sont pas expliqués (l’examinateur ne sait pas forcément de quoi vous parlez) et explicitement reliés à l’argument ; se contenter de citer un titre ne suffit pas ! (ne pas dire : il y a du comique de geste dans les fourberies de Scapin, mais expliquer quelle scène, quels gestes…)

     

     

    exemple  de plan détaillé. Remarque : je développe un maximum d’exemples pour que vous puissiez en trouver que vous connaissez, et pour enrichir vos références. On n’en attendrait pas forcément autant. Je joins aussi des liens vers des pages du manuel ou d’autres documents pour ceux qui voudraient aller plus loin…

     

    I.              Les aspects comiques d’une pièce ont pour fonction première de faire rire

    A)   longue tradition de genres purement comiques

    cf la commedia dell’arte : pièces drôles basées essentiellement sur des acrobaties verbales ou gestuelles; idem dans les farces populaires au Moyen-Age, qui ont en partie inspiré Molière  dans certaines pièces comme Le Médecin volant. + Au XIXème, développement des vaudevilles jouant beaucoup sur les calembours quiproquos etc (voir manuel p. 277 « le théâtre de boulevard » + « la mécanique du vaudeville » p. 340) avec Labiche ou Feydeau (texte B).

     

    B)   repose sur de nombreux procédés comiques :

    ·         de situation ex : scène de la table dans Tartuffe de Molière : pour piéger Tartuffe qui se fait passer pour un homme de bien, Elmire demande à son mari de se cacher sous la table et d’être témoin des avances que Tartuffe lui fait

    ·         de caractère ex : Jourdain naïf (texte A), Arnolphe, le barbon désagréable dans l’Ecole des femmes de MOLIERE, Arlequin, valet bon vivant et rieur dans l’île des esclaves de Marivaux…

    ·         de mots ex : comique de répétition fréquent chez Molière : « Qu’allait-il faire dans cette galère (les Fourberies de Scapin), « Et Tartuffe ? / Le pauvre homme (Tartuffe) ; la mauvaise liaison sur les Zhébrides texte B… + jeu sur les accents : patois gascon dans la scène du sac des fourberies, les paysans dans l’acte II de Dom Juan

    ·         de geste cf farces citées plus haut, coups de bâton des fourberies, bousculades d’Alain et Georgette qui se battent pour aller ouvrir la porte dans L’Ecole des femmes

     

    C) souvent, la représentation accentue le comique, en ajoutant d’autres éléments non notés dans les textes ; ex :on imagine la scène avec l’acteur interprétant M. Jourdain surjouant la gestuelle (texte A) +  costumes ridicules de Sganarelle dans la mise en scène de Dom Juan par Mesguich : généralement habillé en espèce de clown et scène où il est censé être déguisé en médecin : est travesti en infirmière cf. ci-dessous +  lien :https://www.dailymotion.com/video/x4b7ww

     

                     

     

     

     

    II.            Mais le registre comique a également d’autres fonctions :

    A)   dédramatiser, faire baisser la tension

    ex ds les drames romantiques : alternance de scènes lyriques, pathétiques voire tragiques / scènes comiques qui détendent cf MUSSET On ne badine pas avec l’amour + HUGO Ruy Blas :scène comique qd le vrai Don César revient d’exil et ne comprend absolument rien à ce qui lui arrive, puisqu’en fait son identité a été usurpée par Ruy Blas = pause entre des moments tendus. Idem dans Cyrano de Bergerac de Rostand : présence de scènes drôles, légères (la tirade du nez, dans la pâtisserie…) contrastant avec les scènes tristes (amour déçu, mort de Christian…)

    idem dans l’Atelier de Grumberg (1979) : les scènes graves voire tragiques (cf « L’acte de décès, dans le DM « justice » quand Hélène se révolte contre l’oubli du génocide des Juifs) sont tempérées par des scènes drôles, où les personnages rient et plaisantent. (Cf manuel p.530-531)

     

    B)   « Corriger les hommes » (Molière) , cf devise de la comédie : « Castigat ridendo mores » (= corrige les mœurs par le rire) surtout avec des  personnages ridicules servant à nous corriger de nos éventuels défauts. Ex : Harpagon et son avarice excessive dans l’Avare ; Arnolphe et sa jalousie exacerbée dans l’Ecole des femmes…(cf « la comédie et la satire » manuel p. 157 + « la force du rire » p. 155)

     

    C)   Rire = arme critique (sociale ou politique) ex : critique des abus des maîtres sur leurs valets dans l’île des esclaves de Marivaux ; critique des privilèges de la noblesse ou de  la censure qui passe par l’ironie dans le monologue de Figaro (BEAUMARCHAIS Le Mariage de Figaro, manuel p. 250) ou Le Barbier de Séville. ; mises en garde contre les totalitarismes dans Rhinocéros de Ionesco (la transformation contagieuse des hommes en rhinocéros étant une métaphore de la tendance à suivre le groupe et la force brutale au lieu de conserver des valeurs humanistes)…= rire de résistance, utilisé par la compagnie les Chiens de Navarre, notamment dans Jusque dans vos bras, pièce vue au TDB par les 1ES2  cf interview : http://www.tdb-cdn.com/jusque-dans-vos-bras (à partir de 5min10)

     

     

    D)   [Le rire peut aussi révéler une angoisse existentielle, notamment dans le théâtre de l’absurde. Ex : BECKETT, En attendant Godot : deux clochards attendent en vain un énigmatique Godot (= Dieu ?) ; à un moment, l’un d’eux, désespéré, veut se suicider, mais la corde casse (cf annexe 1) : mélange de rire (comique clownesque) et d’angoisse tragique. Idem chez Ionesco, pour qui le rire est d’ailleurs tragique cf annexe 2  ]

     

     

     



     

     

    COMMENTAIRE

    Rappels de méthode :

    • Il faut formuler une problématique !
    • Vous pouvez vous servir des pistes ouvertes par la question sur le corpus. Ici, par exemple, vous pouvez reprendre les aspects comiques… mais souvent vous avez été gênés par ce texte que vous aviez du mal à identifier comme comique ; donc appuyez-vous justement sur cela pour élargir votre réflexion sur le texte : n’est-il que comique ? cela pouvait fournir une problématique.

     

    Exemple de problématique :

    En quoi ce texte est-il représentatif du théâtre de l’Absurde ?  

    NB : si vous identifiez le théâtre de l’absurde c’est plus facile, mais si vous ne le connaissiez pas vous pouviez quand même vous en sortir : certaines bonnes copies repèrent les mêmes caractéristiques. Par exemple, dans un devoir, une problématique du type « Comment cette leçon apparemment sérieuse perd peu à peu toute crédibilité » a bien fonctionné.

     

     

     

    Exemple de plan (plus ou moins détaillé)

     

    I.              Registre ambigu

    A-   aspects comiques (cf corpus)

    ·         comique de mots : répétition, anaphore de « oui monsieur » + suites de mots sans queue ni tête l.16 et 33 + jeu de mots sur l’expression « ne pas tomber dans l’oreille d’un sourd » qui semble prise ici au pied de la lettre  (« les mots tombent, alourdis »…)

    ·         interruptions incessantes du professeur par l’élève (cf nombreux points de suspension)

    ·         gestuelle avec les didascalies indirectes l. 11-12

    ·         caractère : professeur pédant qui semble s’écouter parler et qui continue son cours coûte que coûte (longues tirades avec emploi d’un vocabulaire pseudo-scientifique l. 16-17)

     

    C)   mais présence d’aspects inquiétants

    ·         professeur de plus en plus impatient et dur avec l’élève, cf nombreux impératifs dans des phrases courtes et très sèches :« Taisez-vous », « Continuons ». (NB : à la fin de la pièce, le professeur va jusqu’à tuer son élève !)

    ·         souffrance de l’élève ; réelle ou feinte ? ambiguïté de la didascalie « l’air de souffrir » : a-t-elle vraiment mal ou non ?  mais affirmation à deux reprises « J’ai mal aux dents ».  + gradation cf didascalie « souffrir de plus en plus » l. 30

    ·         or : aucune prise en compte de cette souffrance qui est minimisée : « ça n’a pas d’importance », « si peu de chose » + ensuite, il n’en parle même plus et se contente de « continuons »

     

    Donc scène ambiguë : doit-on rire ? Ambiguïté constamment présente chez Ionesco qui ne sépare pas comique et tragique (cf annexe 2) + la mise en scène sera déterminante pour infléchir vers le comique ou non, la souffrance réelle de l’élève ou non…

     

    II.            Remise en question du langage et de la communication

    A-   un étrange dialogue

    alternance de répliques professeur/élève, mais en fait il n’y a pas vraiment de communication entre les deux :

    • un soliloque déguisé : à part les répliques qui répondent aux interruptions par l’élève (ex l. 7,28, 35), quasiment toutes les répliques du professeur se terminent par des points de suspension (l.2, 5, 23…) : si l’élève ne l’interrompait pas pour finir ses phrases ou commenter, le professeur ferait en fait une longue tirade didactique, un soliloque. Or cette tirade, constamment interrompue par l’élève finit par perdre de son sens et de sa clarté 
    • Il n’y a pas vraiment dialogue non plus car l’élève se contente de finir les phrases du prof (l. 6, 24) ou de répéter mécaniquement « oui monsieur »
    • Le professeur interpelle l’élève, cf apostrophe « Mademoiselle » l. 1 + nombreuses marques de la 2ème personne (« sachez-le, souvenez-vous ») mais en fait il ne semble pas vraiment vouloir qu’elle participe, cf négations  « N’étalez donc pas votre savoir », « n’interrompez pas »… + il lui indique les gestes à faire avec des verbes à l’infinitif « lever très haut le cou », « vous élever »… mais n’admet pas qu’elle les fasse : « restez assise »
    • Fin : le professeur ne prend pas en compte ce que dit l’élève (« J’ai mal aux dents ») et continue son cours sans vraiment l’écouter

    Donc absence de véritable communication entre eux

     

    B-   Un jeu avec le langage

    • Propos du professeur très imagés, cf métaphore filée des oiseaux pour parler des « sons » l. 9sq + « oreilles des sourds » deviennent « tombeaux » par métaphore + les mots crèvent « comme des ballons »… = utilisation assez poétique de la langue
    • Jeux sur les mots : détourne l’expression figée « ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd » qu’il prend au pied de la lettre, comme si les mots « tomb[aient] » vraiment (l.9)  après avoir « voltig[é] » dans les airs
    • les exemples  de liaisons donnés l. 33 tournent à l’absurde ! : il y a bien des liaisons dans « trois heures » ou « les enfants », mais aucune dans « l’âge nouveau » et « voici la nuit » ! donc ses propos sont purement fantaisistes, le langage est juste une sorte de jeu poétique.

     

     

    C- Un langage dénué de sens

    • cf remarque précédente + Le professeur parle beaucoup (longues tirades), mais ses propos sont en fait dénués de sens : on dirait qu’il prend surtout plaisir à parler et à s’écouter, cf phénomènes de répétitions « voltigeront, voltigeront » + rythme ternaire l.19-20 (« des syllabes, des mots, des phrases » + allitérations : son [s] l. 22-23 etc…
    • vocabulaire scientifique : émettre des sons », « poumons », « cordes vocales, « air chaud », « vitesse »….  Donc ses propos semblent fondés sur des lois physiques, mais en fait cela n’a aucun sens (certains mots légers voleraient et d’autres, lourds, tomberaient !; il fait comme si les mots étaient vraiment des objets). Donc le langage n’est pas vraiment fondé sur la raison.
    • Le professeur avoue lui-même que le langage ne signifie rien :selon lui les sons semblent « s’agripp[er] les uns aux autres automatiquement » : l’adverbe suggère que cela se fait en dépit de volonté et de tout sens. + les « phrases » sont définies (« c’est-à-dire ») comme « des assemblages purement irrationnels de sons, dénués de tout sens » ; les mots qui auraient un sens (« chargés de signification »), eux, « tombent dans les oreilles des sourds », donc ne sont pas entendus, ou « crèv[ent] comme des ballons »… donc soit le langage n’a pas de sens, soit il échoue !

     

    NB : Ce pessimisme concernant le pouvoir de communication du langage est un leitmotiv chez Ionesco, cf La Cantatrice chauve (lien vidéo en annexe 3 + manuel p. 494-495), pièce fondée justement sur une fausse communication, faite d’une succession de répliques dénuées de tout sens.

     + Cela rejoint la partie I, car cette communication défaillante peut être source de comique, et/ou éminemment tragique. 

     

    ___________________________________________________________________

    Annexe 1 – extrait de En attendant Godot de Beckett (1952)

    ESTRAGON : Et si on le laissait tomber ? (Un temps.) Si on le laissait tomber?

    VLADIMIR : Il nous punirait. (Silence. Il regarde l’arbre.) Seul l’arbre vit.

    ESTRAGON  (regardant l’arbre.) : Qu’est-ce que c’est ?

    VLADIMIR : C’est l’arbre.

    ESTRAGON : Non mais quel genre ?

    VLADIMIR : Je ne sais pas. Un saule.

    ESTRAGON : Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils s’immobilisent devant. Silence.) Et si on se pendait ?

    VLADIMIR : Avec quoi ?

    ESTRAGON : Tu n’as pas un bout de corde ?

    VLADIMIR : Non.

    ESTRAGON : Alors on ne peut pas.

    VLADIMIR : Allons-nous-en.

    ESTRAGON : Attends, il y a ma ceinture.

    VLADIMIR : C’est trop court.

    ESTRAGON : Tu tireras sur mes jambes.

    VLADIMIR : Et qui tirera sur les miennes ?

    ESTRAGON : C’est vrai.

    VLADIMIR : Fais voir quand même. (Estragon dénoue la corde qui maintient son pantalon. Celui-ci, beaucoup trop large, lui tombe autour des chevilles. Ils regardent la corde.) A la rigueur ça pourrait aller. Mais est-elle solide ?

    ESTRAGON : On va voir. Tiens.

    Ils prennent chacun un bout de la corde, et tirent. La corde se casse. Ils manquent de tomber.

    VLADIMIR : Elle ne vaut rien.

    Silence.

    ESTRAGON : Tu dis qu’il faut revenir demain ?

    VLADIMIR : Oui.

    ESTRAGON : Alors on apportera une bonne corde.

    VLADIMIR : C’est ça.

    Silence.

     

    Annexe 2 -IONESCO extrait de Notes et contre-notes (1962) :

     Je n’ai jamais compris, pour ma part, la différence que l’on fait entre comique et tragique. Le comique étant l’intuition de l’absurde, il me semble plus désespérant que le tragique. Le comique est tragique, et la tragédie de l’homme dérisoire. Le comique n’offre pas d’issue. Je dis « désespérant », mais, en réalité, il est au-delà ou en deçà du désespoir ou de l’espoir. Pour certains, le tragique peut paraître, en un sens, réconfortant, car, s’il veut exprimer l’impuissance de l’homme vaincu, brisé par la fatalité par exemple, le tragique reconnaît, par là même, la réalité d’une fatalité, d’un destin, de Lois régissant l’univers, incompréhensibles parfois, mais objectives. Et cette impuissance humaine, cette inutilité de nos efforts peut aussi, en un sens, paraître comique. J’ai intitulé mes comédies antipièces, drames comiques, et mes drames pseudo-drames ou farces tragiques, car, me semble-t-il, le comique est tragique, et la tragédie de l’homme est dérisoire ».

     

    Annexe 3- extrait de La Cantatrice chauve dans la mise en scène de Lagarce

    https://www.youtube.com/watch?v=C-BkB118nGo

     

    Annexe 4- extrait vidéo de La Leçon de Ionesco montrant davantage encore l’utilisation absurde du langage :

    https://www.youtube.com/watch?v=GNU2EBuGSf4

    ou si vous voulez voir la pièce en entier :

    https://www.youtube.com/watch?v=Jgxv6wp4ivw

     

     

     

     

     

     


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